Ce n'est pas ce qu'on appelle: Airbag anti-sous-marinage?
À Sandouville, Renault copie les méthodes de production de Nissan
CYRILLE PLUYETTE
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À deux semaines du lancement de la Laguna III, l'usine qui la produit vise le « zéro défaut ».
RENAULT se « japonise » à vitesse grand V. Il suffit de visiter l'usine normande de Sandouville, d'où sortent chaque jour 500 Laguna III, pour s'en convaincre. Pour atteindre l'objectif fixé par Carlos Ghosn - placer cette berline familiale parmi les trois meilleures de sa catégorie en termes de qualité -, le site s'est en effet largement inspiré des méthodes de son allié Nissan, dont il détient plus de 44 %.
« Nous avons copié leur savoir-faire dans le domaine de la production, reconnaît Michel Gornet, directeur général adjoint en charge de la fabrication de Renault. Il nous a fallu des années pour comprendre qu'appliquer les standards faisait gagner du temps. » Il y avait urgence, tant l'image de la précédente Laguna avait été plombée par son manque de fiabilité (avec, notamment, les dysfonctionnements de sa carte électronique de démarrage ou de son régulateur de vitesse).
Depuis deux ans, les ingénieurs français ont donc multiplié les allers et retours vers les usines Nissan de Tochigi (près de Tokyo) et de Sunderland (en Grande-Bretagne). Leur mission ? Identifier les meilleures pratiques et les importer à Sandouville.
Première trouvaille : les strike zones, des sortes de minisupermarchés installés le long des lignes de production. Guidé par des lumières rouges (appelées poka yoke, autrement dit « détrompeurs ») commandées par ordinateur, un opérateur pioche dans des casiers les pièces destinées à chaque modèle. Il les dépose dans une caisse qui est ensuite acheminée vers un atelier de montage. L'ouvrier concerné n'a plus alors qu'à se concentrer sur ses gestes, sans risque de se tromper d'élément - Sandouville assemble une centaine de versions de la Laguna. « Cette innovation nous a permis de diviser par deux les incidents par rapport au lancement de la Laguna II, en 2001 », précise Yann Vincent, le directeur de la qualité.
Contrôles à toutes les étapes
Parallèlement, les contrôles ont été renforcés à toutes les étapes. Sur chacun des quinze ateliers de montage, un checkman est chargé de vérifier vingt-six points en environ une minute. Appliquant un principe nippon, il ne se contente pas de regarder, mais tire sur certaines pièces, en pointe d'autres, ou les biffe avec un marqueur de couleur bleu pour s'assurer que rien ne lui a échappé.
Preuve que, décidément, rien n'a été laissé au hasard, des « boucliers » en plastique sont appliqués sur les ailes et le volant pour éviter les rayures et les dégradations, tandis que des films de couleur protègent le capot et le bas de caisse. Une fois ces protections retirées, des spécialistes s'assurent, au toucher, de la qualité des finitions, à l'intérieur comme à l'extérieur du véhicule.
Les entrailles de la voiture sont ensuite passées au crible par un ordinateur pendant quatorze minutes. « Théoriquement, à ce stade, 90 % des véhicules sont parfaits, les autres étant retouchés », précise Luis Fernandez Florez. Chaque modèle effectue ensuite quelques tours de roue sur une piste installée en bout de chaîne. Conçue pour imiter des conditions réelles de conduite (pavés, trottoirs, enchaînement de virages serrés...), elle permet notamment de surveiller le niveau de perturbation sonore.
Grâce à ces améliorations, Renault affirme avoir divisé les incidents par cinq sur la Laguna depuis 2001. Il faudra cependant attendre pour savoir si la petite nouvelle est parvenue à relever son défi. JD Power, l'organisme indépendant qui note les véhicules, ne publiera en effet son verdict qu'à... l'été 2009. « Nous aurons des indications fiables en analysant le niveau de plaintes sous garantie des clients, précise cependant Yann Vincent. Nous avons défini des objectifs précis pour chaque pièce. »
Un site sous pression
Cette révolution qualité a bien entendu un coût. Renault a consenti 407 millions d'euros d'investissements industriels dont la moitié pour le site de Sandouville. À pleine cadence, l'usine, qui assemblera aussi les versions coupé et break, vise une production de 600 Laguna par jour, soit environ 180 000 à 200 000 véhicules par an. En cas d'échec, Carlos Ghosn l'a martelé, le site est menacé. Ce n'est en effet ni la Vel Satis (à peine plus de 5 000 ventes en 2006), ni celle de l'Espace, un modèle en fin de vie avec 42 000 voitures écoulées l'an dernier, qui la feront tourner à plein régime. Reste donc, pour Renault, à espérer que les consommateurs français se montreront aussi sensibles à l'argument de la qualité que... les Japonais.
Et entendu sur RTL :
"Plus de 20 000 Laguna III commandées depuis la sortie. Le site de Sandouville va devoir travailler la nuit pour répondre à la demande"
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« En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis. »
Winston Churchill