Citation:Renault Z.E. : ma déclaration
Voilà, c'est fait ! J'ai goûté aux joies des deux premières tout-électriques de Renault (lire le Dossier Spécial Renault Z.E.). J'ai démarré, freiné, accéléré et écouté. J'ai couvert près de 200 km, d'abord en m'efforçant d'optimiser ma consommation en faisant application de tous les "trucs" connus de l'éco-conduite ; puis en conduisant sans prendre de précaution particulière, sinon celle consistant à respecter les limitations de vitesse.
Chaque fois, j'ai relevé les chiffres que m'annonçait l'ordinateur de bord : vitesse moyenne, distance parcourue, consommation moyenne et autonomie estimée. Fort de ces chiffres, je suis allé interroger les ingénieurs présents sur place. Puis j'ai discuté avec des commerciaux, histoire de m'assurer que Renault ne se lançait pas dans l'aventure de l'électrique sans s'être préoccupé de savoir s'il existe une clientèle pour ses voitures à émission nulle. Apparemment, oui.
J'ai comparé mes notes et mes impressions avec celles de mes éminents confrères. J'ai trié les propos recueillis au cours de ces deux journées pour en extraire les citations qui pouvaient éclairer mon propos. J'ai comparé les choix techniques de Renault aux solutions retenues par la concurrence. Surtout, après mes deux tours au volant des Fluence Z.E. et Kangoo Z.E., j'ai témoigné du haut niveau de prestations qu'elles offrent. A commencer par leur autonomie effective, relevée certes dans des conditions bien particulières, mais parfaitement semblables à celles que pourrait rencontrer un automobiliste français.
En somme, j'ai fait mon boulot de journaliste-essayeur.
Pourtant, il semble que cela ne suffise pas. Une demi-heure après la parution, j'avais déjà droit aux soupçons usuels, aux accusations d'asservissement aux vues et aux volontés de Renault. Comme si la presse ne pouvait rendre hommage aux réalisations industrielles d'un constructeur français sans avoir l'air de passer la brosse à reluire.
Et inversement ! La moindre critique un peu trop cinglante m'aurait immanquablement valu les foudres de ceux qui croient encore aux vertus du patriotisme économique. Achetez français ! Sauvez Renault, sauvez l'emploi... Le raccourci est commode.
Bah ! A dire vrai, je vois bien ce que vous attendez de moi. Si j'étais commentateur politique, vous me presseriez de dévoiler mes vraies affinités, de révéler vers quel bord me portent mes convictions.
Ainsi donc, puisque l'engagement est de saison...
Eh bien oui, je l'avoue. Au contact des gens de Renault, mon scepticisme s'est lentement transformé en une sorte de crédulité que d'aucuns interpréteront comme un début de fanatisme. Aveuglé, Monsieur le Journaliste ?
Je ne crois pas, non. D'ordinaire lorsqu'un constructeur prétend révolutionner l'automobile, le journaliste, cynique par nature, esquisse un sourire. Mais il consent à tendre l'oreille lorsqu'on lui fait la démonstration d'une adéquation entre les capacités décuplées d'un véhicule électrique et les besoins d'une catégorie croissante d'usagers (nommément, les entreprises et les administrations ; les particuliers viendront après). Encore plus lorsqu'on lui démontre par A + B qu'il ne lui en coûtera pas tellement plus cher de rouler à l'électricité plutôt qu'au gazole.
Il n'empêche que la Fluence Z.E. et que le Kangoo Z.E. vous privent du privilège de traverser la France d'une traite, sur un coup de tête. Ah, ça... C'est un fait. Aussi et quand bien même ce n'est pas leur vocation première, nous aurions tort de ne pas leur en ternir rigueur.
Il en va de même pour leur physique ingrat. Pouah ! Forcer les Français à choisir entre cette grande berline grevée d'une culotte de cheval et cette camionnette à l'allure dégingandée au prétexte qu'elles roulent sans odeur ? Très peu pour moi. Je préfère attendre la mignonne Zoé, première représentante de ce que Renault appelle (déjà) la seconde génération de ses voitures électriques, plus légères, plus performantes, plus sobres. Plus tolérables, en somme.
De sorte que c'est à l'aune d'une Fluence Z.E. presque d'arrière-garde, que le public se permettra de juger a priori de la pertinence de la stratégie électrique de Renault. Cette berline d'allure malaisée n'est que le résultat d'un compromis, du mariage forcé entre une automobile du siècle dernier (à moteur qui pue, donc) et d'une technologie du siècle nouveau qui déplace le problème des émissions polluantes plus qu'elle ne le règle.
Allons ! Laissons de côté le pétrole, le charbon, l'atome, l'éolien et le solaire. Croyez-le si vous le voulez, gens de peu de foi : en matière d'automobile électrique, le meilleur reste à venir. Par conséquent, vous avez raison, autant ne pas vous déclarer d'emblée.
Pour ma part, c'est déjà trop tard. Je viens de vous avouer que "j'y crois", moi, à la voiture à piles de Renault.
Est-ce grave, docteur ?