Sombre avenir pour les grands monospaces
Cyrille Pluyette
07/10/2009 | Mise à jour : 08:12 |
http://www.lefigaro.fr/societes/2009/10/07/04015-20091007..ands-monospaces-.php
Fiat a annoncé l'arrêt de ses modèles Ulysse et Phedra fin 2010. Renault a gelé le remplacement de l'Espace. Chez PSA Peugeot Citroën, le renouvellement du 807 et de la C8 n'est pas non plus à l'ordre du jour.
Les grands monospaces familiaux ont-ils encore un avenir ? Il paraît en tout cas de plus en plus incertain. L'italien Fiat vient ainsi d'annoncer qu'il arrêterait la production de ses modèles Ulysse et Phedra (marque Lancia) fin 2010, dans l'usine d'Hordain, dans le nord de la France, détenue à parité avec PSA Peugeot Citroën.
Côté constructeurs français, si la fabrication de ces modèles n'est pas actuellement remise en cause, leur renouvellement est loin de faire partie des priorités. Chez Renault, le projet de remplacement de l'Espace est gelé. Le groupe au losange ne prévoit de le relancer « qu'une fois la crise terminée ». Même prudence chez PSA. La sortie d'un successeur pour le Peugeot 807 et le Citroën C8 n'est pas « à l'ordre du jour ». « Le futur de ces monospaces familiaux semble restreint, voire dans le pire des cas inexistant », juge même Philippe Guédon, l'inventeur de l'Espace.
Après avoir fait les beaux jours de Renault, la première « voiture à vivre » du groupe - à l'époque révolutionnaire et dont il s'est écoulé près de 1,2 million d'exemplaires depuis 1984 - est en perte de vitesse. En France, il ne s'est vendu que 4 700 Espace sur les neuf premiers mois de l'année, soit 30 % de moins que l'année dernière à la même période. PSA n'a immatriculé que 1 450 Peugeot 807 (- 50 %) à fin septembre et 1 100 Citroën C8 (- 37 %).
En clair, l'Espace et ses concurrents ne sont plus dans l'air du temps. Principal handicap : ils sont très gourmands en carburant et dégagent beaucoup de CO2. « De par leur poids et leur forme - très peu aérodynamique -, ces véhicules ne seront jamais la meilleure réponse pour diminuer les émissions de CO2 », constate Philippe Guédon. Celles de l'Espace s'échelonnent entre 188 et 289 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui pénalise son achat d'un malus écologique compris entre 750 et 2 600 euros.
Ajoutons que ces grands monospaces n'ont pas droit à la prime à la casse de 1 000 euros. Pour en bénéficier, il faut céder un véhicule de plus de dix ans et en acheter un neuf dégageant moins de 160 grammes de CO2. Ces piètres performances écologiques rebutent également les entreprises, soumises à une taxe sur les véhicules de société (TVS) importante sur ces modèles.
Autre handicap : la réglementation européenne Euro 5. Elle rend obligatoire, en janvier 2011, les filtres à particules pour les modèles diesels existants toujours fabriqués. C'est précisément cette adaptation coûteuse, sur un marché fléchissant, qui a poussé Fiat à jeter l'éponge.
Autre explication de ce déclin, les monospaces familiaux sont « cannibalisés » par des modèles plus compacts, comme le Renault Scénic ou le Citroën C4 Picasso, offrant 5 ou 7 places, pour une consommation d'essence et un prix inférieurs. Une tendance au « downsizing », qui a entraîné le lancement de monospaces encore plus ramassés, comme le C3 Picasso, qui s'est vendu à 19 500 exemplaires en France depuis son lancement en mars.
Le haut de gamme français
« Dans cette période de crise, nous concentrons tous nos investissements sur le développement de la voiture électrique et l'amélioration des performances des moteurs. Il n'y a pas de moyens pour un programme comme l'Espace », explique une source interne de Renault.
Pour autant, Renault ou PSA peuvent difficilement se permettre d'être absents de ce créneau. Les familles nombreuses sont toujours intéressées. Et puis, « le monospace familial reste le seul véhicule vraiment haut de gamme des constructeurs français », souligne Sébastien Amichi, directeur des études au cabinet Roland Berger. Or une présence sur ce segment - le plus rentable - est nécessaire pour un constructeur généraliste. Les grands monospaces paraissent d'autant plus avoir leur place que les berlines ne sont pas franchement des succès. La marque au losange va du reste arrêter la production de la Vel Satis. Quant aux Peugeot 607 et Citroën C6, aux volumes confidentiels, aucune décision n'a été prise pour les remplacer.
L'avenir des grands monospaces passe par une amélioration des moteurs. Peugeot prévoit d'ailleurs pour début 2010 une version du 807 descendant jusqu'à 155 grammes de CO2. Autre option : les équiper d'une motorisation fonctionnant aussi à l'électricité. Dans la catégorie inférieure, Peugeot travaille sur le lancement en 2011 d'un 3008 hybride. Ces véhicules sont aussi enjeu pour les usines françaises qui les fabriquent. Sur le site de Renault à Sandouville, la CGT a réclamé hier l'attribution de nouveaux véhicules pour remplacer la Vel Satis et l'Espace. Dans l'usine de PSA et Fiat à Hordain, un plan de départs volontaires concernant 350 personnes est actuellement en cours.