Renault ZOE pare les coups, Renault Flins maîtrise les coûts
Carlos Ghosn l'a dit : "L'ambition de ZOE est d'être profitable sur sa durée de vie". Voilà qui implique d'en vendre une certaine quantité, certes, mais aussi d'en maîtriser les coûts de fabrication. Visite de l'usine de Flins où se rencontrent les nouveaux métiers de Renault.
C'est un ballet réglé à la perfection, une chorégraphie de gestes rapides mais jamais précipités. A l'usine Renault de Flins, à l'Ouest de Paris, les robots assemblent avec une précision chirurgicale ce qu'on appelle la caisse en blanc, prête à être mis en peinture. Plus loin, ce sont des hommes qui assemblent les sièges, qui installent les planches de bord et préparent les moteurs. Derrière l'aspect aliénant de leurs tâches répétitives se cachent un savoir-faire, un doigté et un regard aiguisé que la machine ne sait pas encore reproduire.
A Flins, on en est fier. Doublement. Car c'est là que la Direction a choisi d'assembler la première Renault conçue dès le départ en tant que voiture électrique, la ZOE. Une auto à la pointe de la technologie qu'on n'imagine pas sortir d'une usine inaugurée par Pierre Lefaucheux en 1952.
La Renault ZOE (lire notre Essai détaillé) étrenne le fameux chargeur Caméléon qui permet de tirer le meilleur parti de la puissance du courant pour optimiser le temps de charge et s'affranchir des coûteuses bornes rapides. Une avancée sensible par rapport à la technologie proposée jusqu'alors par la Nissan Leaf et la Peugeot iOn, les deux précurseurs, qui devrait laisser à Renault une longueur d'avance lorsque la BMW i3 et la Ford Focus électrique auront débarqué sur le marché.
Flins, championne de la flexibilité
Contre toute attente, l'arrivée de la ZOE sur les chaînes de la Renault Clio — la "nouvelle" qui fait tourner les têtes comme "l'ancienne" qui séduit encore par son rapport prix-prestations — n'a pas demandé beaucoup de modifications de l'outillage. Au mois de mars 2013, lors des premiers essais de la ZOE, le responsable de l'Ingénierie David Twohig avait souligné tout l'intérêt technique et industriel qu'il y avait à partir de la plateforme "B" de la Renault Clio, optimisée pour l'électrification (lire notre entretien avec D. Twohig). Une évidence confirmée aujourd'hui par le sous-directeur technique de l’usine de Flins, Didier Lehingue lorsqu'il révèle que nombre de robots d'ancienne génération, âgés pour certains de vingt ans et plus ont pu être affectés à la fabrication de la ZOE. Comme s'il s'agissait d'une banale Clio IV prenant la suite de la Clio III.
Renault ZOE : assemblage à Flins (2013)
C'est dans le secteur de la tôlerie que les modifications furent les plus importantes. "Il fallait rendre l’outil industriel suffisamment souple pour pouvoir produire les ouvrants de 4 modèles différents — ZOE, Nouvelle Clio, Clio Collection et Nouvelle Clio RS — au lieu de deux auparavant avec Clio III et Clio III RS", explique Thierry Charvet, directeur de l'usine. Pour cela, l’équivalent en surface d’un demi-terrain de foot a été totalement rasé et nettoyé pendant les périodes d’arrêt des étés 2011 et 2012. Là, les outils ont été démontés, la dalle cassée puis reconstruite. "Il aura fallu déverser l'équivalent de 280 toupies de béton ", raconte Julien Decelle, Chef d'Atelier Tôlerie. L’ensemble remis à neuf totalise 550 robots dont 150 additionnels pour assurer la flexibilité mais également pour fournir le travail de soudure supplémentaire propre à ZOE. Car cette petite auto du gabarit de la Clio IV réclame 500 points de soudure supplémentaires, indispensables pour aider la coque à résister aux contraintes induites par la masse des batteries en cas de choc.
Encore s'agit-il là de procédés de soudure et d'emboutissage forts bien maîtrisés à Flins comme ailleurs depuis des décennies. La vraie nouveauté et le clou de notre visite se situent dans l'atelier de montage des batteries, sanctuaire de 500 m² créé de toutes pièces et placé pendant un an et demi durant sous haute confidentialité. Maintenant que la ZOE disséquée aura livré tous ses secrets aux concurrents, Renault peut se permettre de communiquer sur son avance industrielle. Parce qu'en matière de voitures électriques, l'avantage concurrentiel se mesure dans les ateliers autant que sur la route.
Après un long transport, les accumulateurs au lithium-ion arrivent de chez LG Chem, en Corée du Sud sous forme d'éléments individuels : un robot flambant neuf les assemble sur un châssis tandis qu'un autre pose un cordon d'étanchéité. Mais ce sont des hommes, encore, qui relient entre eux les accus pour en faire un élément fini de quelque 400 volts. Une opération délicate qui exige une attention toute particulière et, en amont, une formation spéciale.
Au final, ce ne sont pas moins de 50.000 heures de formation que Renault aura dispensé pour préparer les hommes à l'arrivée de la ZOE sur les chaînes de Flins. Cela représente une part non négligeable des quelque 150 millions d'euros investis dans l'usine de Flins pour la ZOE et la Clio IV. Plus que la mise en œuvre de cette "frugalité ingénieuse" dont parlait Carlos Tavares pour décrire la réduction des investissements que réclame l'arrivée d'un nouveau modèle dans une usine existante (partage de composants, réemploi de robots existants, etc.), c'est l'investissement consenti dans les personnes qui fait de Flins un lieu aussi fascinant. Une démonstration de flexibilité qui n'est sans doute pas étrangère à la décision d'assurer ici le montage de la future Nissan Micra à l'horizon 2016, lorsque la Renault Clio Collection aura pris sa retraite.
auto.blogs.challenges.fr/archive/2013/07/12/renaul..trise-les-couts.html