Pourquoi Renault croit à l'avenir de la voiture électrique
Un point de vue, publié sous la plume de Rémy Prud'homme dans « Les Echos » du 22 octobre 2010, mettait en question l'intérêt économique du véhicule électrique pour le client, concluant que la voiture électrique restait « un pari coûteux », qui pouvait très bien « être perdu ».
Nous sommes d'accord avec M. Prud'homme sur un point : si le véhicule électrique coûte plus cher au client, alors cette technologie peinera à se développer. Mais nous pensons, dès 2011, pouvoir proposer au client des véhicules électriques au même prix que des véhicules diesel de même catégorie, avec un coût d'usage compétitif dès lors que l'on roule 40 ou 50 km par jour. C'est d'ailleurs le fondement même de notre stratégie et la raison pour laquelle l'alliance Renault-Nissan consacre 4 milliards d'euros au développement de cette filière.
Nous avons en effet de bonnes raisons de penser que notre pari est en train d'être gagné. Les prix et loyers des batteries annoncés au Salon de Paris (une Fluence ZE à 21.300 euros, avec un loyer de batterie à 79 euros, un Kangoo Express ZE à 15.000 euros avec un loyer de batterie à 72 euros) placent nos véhicules au même niveau que leurs équivalents diesel, tant à l'achat (à niveau d'équipement comparable) qu'à l'usage (le loyer de batterie, l'électricité et un entretien réduit revenant au même que la dépense en carburant et l'entretien d'un véhicule thermique).
M. Prud'homme a formulé certaines hypothèses, mais nous les contestons : tout d'abord, les loyers des batteries ne seront pas de 100 euros comme il le prétend. Ensuite, M. Prud'homme compare une Clio Campus à 12.000 euros à un véhicule électrique hypothétique à 20.000 euros (15.000 avec l'aide à l'achat). Cette comparaison n'est pas pertinente : soit on compare des véhicules pour lesquels les prix ont été annoncés une Fluence ZE et une Fluence diesel, ou un Kangoo Express ZE et un Kangoo Express diesel, et c'est équivalent), soit on attend quelques mois l'annonce du prix de la Zoé, que M. Prud'homme aura tout loisir de comparer à une Clio (de nouvelle génération, et non pas une Campus, dont chacun sait qu'elle représente celle d'avant). Il s'apercevra alors que les prix seront comparables.
La stratégie de Renault et de son partenaire Nissan est à ce jour unique. Nous n'avons pas observé, au Salon de l'automobile, à Paris, d'autres offres de véhicules électriques dont le client pourra dire objectivement qu'il a un intérêt économique à acheter une voiture propre. Car le véhicule électrique est écologique : il n'émet pas de CO2 et, en France, même en ajoutant les émissions de CO2 moyennes générées par la production d'électricité, cela représente environ 12 g de CO2 par kilomètre parcouru. C'est dix fois moins que la meilleure voiture thermique disponible sur le marché.
Le coût pour la collectivité, à travers l'aide à l'achat de 5.000 euros, a choqué M. Prud'homme. Alors, pourquoi une telle aide est-elle nécessaire, au-delà du bénéfice environnemental ? C'est simple : l'industrie automobile est une industrie de volume, elle est compétitive lorsque les volumes sont élevés. Nous produisons près de 1 million d'exemplaires du moteur diesel 1.5 dCi, que l'on trouve dans les Clio ou les Mégane. Un moteur électrique coûte, aujourd'hui, deux fois plus cher. Les batteries ne sont pas non plus à leur optimum économique. Le surcoût global est aujourd'hui de l'ordre de 5.000 euros. Nous savons déjà comment, année après année, les coûts baisseront pour rejoindre ceux des véhicules thermiques. Mais il y a une condition : que les volumes augmentent rapidement. L'alternative est donc simple : soit la collectivité soutient le démarrage d'une technologie propre, qui pourra alors trouver son équilibre économique ; soit elle ne le fait pas, et les volumes resteront modestes et les coûts élevés. Il convient aussi de mentionner les autres bénéfices du véhicule électrique : il permet de réduire la dépendance énergétique des Etats et le déficit de leur balance commerciale, d'améliorer leur bilan carbone- 10 % du parc automobile roulant à l'électrique, à l'échelle de la France, cela représente près de 2 milliards d'euros d'économies par an sur les importations pétrolières (pour un baril à 85 dollars) et environ 1 million de tonnes de CO2 non émises. Au-delà, le véhicule électrique génère un ensemble de bénéfices pour la société, qu'une récente étude du Cired a bien identifiés.
Ce qui est en jeu avec le véhicule électrique, c'est de faire de l'automobile un objet mieux intégré dans son environnement. Nous sommes convaincus que ce pari vaut le coup d'être relevé, et nous sommes convaincus qu'une partie non négligeable des automobilistes sera séduite par ces voitures propres, silencieuses et - dans le cas de Renault - économiques.
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« En Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En Allemagne, tout est interdit, sauf ce qui est permis. En France, tout est permis, même ce qui est interdit. En U.R.S.S., tout est interdit, même ce qui est permis. »
Winston Churchill