"Il pourrait être intéressant pour Nissan de produire en France chez Renault"
Arnaud Montebourg a affirmé ce vendredi matin que Carlos Ghosn s'était engagé à ce que Nissan vienne produire des véhicules en France pour porter secours à Renault. Si le constructeur tempère, un tel scénario ne serait pas dénué de sens. Explications.
Montebourg a-t-il encore parlé trop vite? Pas forcément. Ce vendredi, le ministre du redressement productif a fièrement annoncé qu'il avait obtenu de Carlos Ghosn, le patron de l'alliance Renault-Nissan, que le constructeur japonais se porte au secours de son allié français en difficulté. Pour que Renault maintienne son niveau de production en France, le patron de l'alliance se serait engagé par téléphone auprès du ministre à ce que des voitures Nissan soient produites sur le sol français, dans des usines Renault. "Quand Renault va mal, il est normal que Nissan se porte au secours, cela s'appelle une alliance", s'est même avancé le ministre sur BFM TV.
Une affirmation aussitôt tempérée par le constructeur, qui s'en remet pour l'heure aux négociations en cours sur la compétitivité des usines françaises. "Je ne peux pas vous confirmer que Nissan va mettre des véhicules en France ou en Europe dans nos usines", a notamment réagi vendredi Jérôme Stoll, le directeur commercial du groupe, soulignant que Renault était "au milieu des négociations" avec les syndicats sur un accord de compétitivité. Et le groupe de renchérir dans un communiqué que "la signature d'un accord nous mettra en mesure de prendre des engagements sur l'affectation de volumes venant de nos partenaires".
Si Renault refuse de s'engager, il n'a toutefois pas démenti la possibilité de produire les véhicules du japonais sur le sol français. Ce qui à première vue peut sembler surprenant. De fait, avec l'effondrement des ventes de voitures neuves en Europe, qui ont fait chuter de 6,3% les ventes mondiales de Renault, et la prédominance des émergents sur le marché automobile mondial- pour la première fois cette année la firme au losange a vendu plus de 50% de ses véhicules hors du Vieux Continent- on se demande bien quel serait l'intérêt pour Nissan de venir produire en Europe. Et a fortiori en France, où le coût de production est régulièrement décrié comme un frein à l'attractivité du pays.
En réalité, une telle hypothèse ne serait pas complètement dénuée de sens pour le constructeur nippon. Aujourd'hui, Nissan produit environ 15% de ses véhicules en Europe. Ainsi, en novembre 2012, sur les 395.000 véhicules produits par le groupe, 60.000 l'ont été en Europe, sur les deux sites espagnols et le site britannique du japonais. Et sur les 381.000 véhicules vendus sur cette période dans le monde, 48.000 ont été écoulés en Europe, soit environ 12,6%. A l'étude de ces chiffres, il apparaît donc que le constructeur produit davantage qu'il ne vend en Europe.
Intérêt des plateformes communes
Il n'empêche, "avec le mécanisme des plateformes communes, qui permet de réaliser des économies d'échelles, il pourrait être intéressant pour Nissan de venir produire en France dans des usines déjà existante", estime Xavier Caroen, analyste du secteur automobile chez Kepler Capital Market. Pourquoi? Pour le constructeur nippon, dont les ventes sont en très forte croissance (+11,3% au premier semestre 2012), notamment grâce à la Chine, l'enjeu depuis des années est avant tout d'échapper à la vigueur du yen, très pénalisant pour les exportations. Actuellement, le groupe produit seulement 23% de ses véhicules au Japon, et privilégie d'autres pays de production comme la Chine, les Etats-Unis ou encore le Mexique.
Dans ce contexte, Renault et Nissan, qui se connaissent très bien, pourraient donc tout à fait cohabiter sur des usines communes en France sur le modèle de ce qui existe déjà à Barcelone, en Espagne, où actuellement l'utilitaire Trafic de Renault est assemblé dans une usine Nissan.
Si en plus des synergies, Renault obtient des accords de flexibilité de ses salariés, et que la compétitivité des usines françaises en est améliorée, alors Nissan pourrait très bien y trouver son compte. Reste qu'un tel scénario, s'il émerge, restera sans doute de l'ordre de l'anecdotique. Difficile d'imaginer en effet que plus d'un ou deux véhicules Nissan soient assemblés en France.
Quoi qu'il en soit, politiquement, le pari d'Arnaud Montebourg semble une fois encore très risqué. Depuis l'annonce des 7500 suppressions de postes d'ici à 2016, Renault ne cesse de renvoyer son avenir industriel en France à la question des accords de compétitivité actuellement en négociation. Au point qu'il est difficile de ne pas y voir une forme de chantage à l'emploi exercée par la direction. C'est d'autant plus dangereux pour le gouvernement, que les négociations en cours chez Renault s'inspirent très largement des mesures de flexibilité envisagées par l'accord sur l'emploi approuvé vendredi dernier entre le patronat et trois confédérations syndicales. S'il veut continuer à ériger Renault en exemple, le gouvernement devra obtenir du constructeur un minimum d'exemplarité...
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