Renault concrétise petit à petit ses promesses passées
Marges, synergies, nouveautés, production : le groupe passe un cap.
Même si plusieurs points faibles (Russie, Amérique du Sud) demeurent.
Comme un air de revanche ? Petit à petit, Renault commence à concrétiser certains engagements annoncés depuis des années. Symbole phare, dévoilé par ses résultats annuels présentés vendredi : l'objectif des 5 % de marge opérationnelle, annoncé depuis dix ans (plans stratégiques « Contrat 2009 » en 2006 et « Drive the Change » en 2011), balayé par les crises financières et européennes, et finalement rempli en 2015 (5,1 %), avec deux ans d'avance sur la nouvelle cible fixée par le PDG du constructeur français, Carlos Ghosn.
Vendredi, le constructeur a de fait donné de sérieux gages à ses parties prenantes. Pas seulement à son premier actionnaire, l’État français, qui se verra attribuer un solide dividende - 2,40 euros -, après une année 2015 marquée par une sérieuse crise de confiance entre l'alliance franco-japonaise et Bercy. Pas seulement non plus à ses syndicats, via l'annonce de 1.000 embauches en France, qui s'ajouteront aux 1.000 recrutements de 2015 et permettront de respecter l'objectif de produire 710.000 véhicules dans l'Hexagone en 2016, sans toutefois effacer les 8.200 départs engagés en 2013.
Stratégie d'alliances solide
Plus largement, Renault semble passer un cap. Désendetté - 2,6 milliards de liquidités pour la division automobile -, il délivre les meilleurs résultats opérationnels de son histoire (+44,2 %, à 2,3 milliards d'euros), ce qui lui permet d'offrir un coupon qui n'est plus uniquement tiré de Nissan, comme cela était le cas depuis des années.
Cette solidité, Renault va d'abord la chercher dans sa stratégie d'alliances (Nissan, Daimler), qui, là encore, après des années de promesses, se matérialise dans les comptes. L'année dernière, les achats réalisés en commun avec l'allié japonais - et dans une moindre mesure avec Daimler - ont permis d'améliorer le résultat opérationnel de 492 millions d'euros. C'est là le fruit direct de la politique de convergence engagée avec Nissan en 2014 - plates-formes communes, rapprochement de l'ingénierie et des usines - qui s'est concrétisée en 2015 avec une série de nouveaux modèles (Espace, Talisman, Kadjar, Kwid…). Renault profite aussi de ses alliances pour charger ses usines. Que ce soit avec Nissan en Inde, en Corée du Sud ou en France (la Micra sera produite en 2016 à l'usine de Flins), ou avec Daimler (production du Citan et de la Smart dans des usines Renault, livraison de moteurs et de boîtes de vitesses), ces contrats ont généré 5,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires rien qu'en 2015, soit 11,7 % des ventes de la marque !
Le constructeur au losange profite aussi de son plan produits. Après une année 2015 riche, il poursuit son offensive en 2016 (Mégane, Scénic, Alpine, crossover de segment D, pick-up avec Daimler…). Jamais il n'aura lancé autant de nouveautés en si peu de temps. De quoi là aussi répondre aux critiques passées, puisque le renouvellement se concentre sur la marque Renault, plus contributrice que Dacia au résultat, et va permettre, avec l'aide de Nissan, de défricher enfin le marché chinois avec l'ouverture en janvier de sa première usine.
Tout n'est pas rose pour autant. Avec une marge de 3,5 % pour sa seule division automobile, Renault est finalement en deçà de PSA (5 % au premier semestre), qui compense son absence d'alliance majeure par sa présence en Chine. Plus largement, Renault doit lever différentes inconnues. Si Carlos Ghosn a encore rejeté toute accusation de tricherie sur les émissions de ses moteurs Diesel, le groupe reste sous le coup d'une enquête de la répression des fraudes (DGCCRF). Autre point, l'international. Le groupe concentre l'essentiel de ses profits sur le rebond du marché européen, arrive en Chine en plein ralentissement du marché, et chute surtout en Russie (lire ci-contre) et en Amérique du Sud. Certains y verront là une nouveauté : disposant d'un modèle plus robuste, Renault semble capable d'absorber des chocs importants sans freiner sa rentabilité.
Maxime Amiot, Les Echos
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