Les analystes spéculent sur les discussions Renault-Daimler
[ 16/03/10 ]
Le partenariat à l'étude entre Renault et Daimler pourrait ne pas se cantonner à une coopération technique, et prendre une dimension capitalistique, selon un analyste. Mais, pour le moment, rien ne permet d'étayer cette éventualité.
les discussions en cours sur une coopération entre Renault et Daimler, qui semblent bien avancer, iront-elles jusqu'à l'entrée du groupe allemand dans l'alliance Renault-Nissan ? C'est ce que suggère une étude publiée hier par le courtier Sanford Bernstein, qui explore plusieurs pistes, dont l'une où Daimler prendrait 30 % de Renault.
Le raisonnement de l'analyste Max Warburton : Daimler est nettement plus demandeur d'une alliance que Renault. La maison mère de Mercedes cherche à rentabiliser sa gamme de petites voitures, qui perd de l'argent depuis longtemps et dont les volumes sont insuffisants pour amortir les investissements à venir. Bien conscient de ce rapport de force, Carlos Ghosn voudrait aller plus loin que la simple société commune imaginée par son collègue allemand Dieter Zetsche, et le pousserait à entrer dans l'alliance Renault-Nissan et à prendre au passage des actions de l'un ou des deux constructeurs. Au besoin par le jeu de participations croisées. Toutefois, l'analyste laisse toutes les portes ouvertes et convient que ce schéma présente « une probabilité relativement basse » de se réaliser.
Certains de ses confrères rejettent pour leur part un tel scénario, comme Thierry Huon (Exane BNP Paribas) ou Philippe Houchois (UBS), qui imaginent plutôt une coopération technique plus classique autour des programmes de petites voitures et des technologies associées. De son côté, l'agence Bloomberg indiquait hier qu'un scénario d'échanges de participations entre Daimler et Renault, un moment étudié, a été écarté en raison de l'écart imposant entre leurs valorisations respectives (32 milliards d'euros pour Daimler contre 9 milliards pour Renault)
Chez Renault, où l'on n'a jamais exclu d'élargir l'alliance à un troisième partenaire, on se refuse à tout commentaire sur l'étendue des discussions.
Pas de plates-formes communes
Chez Daimler, certaines sources avaient indiqué le mois dernier que l'accord avec le français « pourrait aller très loin » sans entrer dans les détails. Mais, hier, le groupe de Stuttgart ne mentionnait pas un achat d'actions Renault comme caractéristique de l'accord en préparation.
Clef de voûte des discussions : un rapprochement dans les moteurs et composants pour les futurs véhicules, inférieurs à la Classe C côté allemand. Soit les remplaçantes des actuelles Classe A et B, dans la gamme Mercedes (qui compteront à terme quatre véhicules et non deux), et les futures variantes de la gamme Smart. Toutefois, avance Thierry Huon, les deux groupes ne devraient pas concevoir de plates-formes communes, ce qui relativise de facto la portée de leur rapprochement.
En revanche, plusieurs autres domaines de coopération sont sur la table : les véhicules utilitaires (Renault, allié depuis longtemps à Opel, pourrait prétexter la faiblesse de ce dernier pour changer de partenaire) ou les motorisations propres. Daimler pourrait ainsi profiter de l'avance de Renault-Nissan sur les voitures électriques et offrir à ce dernier ses technologies hybrides.
Quant à l'hypothèse de voir Daimler entrer dans le capital de Renault, voire de lui ouvrir en échange son propre tour de table, la plupart des observateurs restent sceptiques. Alors qu'ils ont encaissé l'an dernier des pertes nettes respectives de 2,6 et 3,1 milliards d'euros, les deux constructeurs n'ont guère de marge de manoeuvre financière. Certes, les écarts de valorisation sont tels que l'allemand pourrait aisément prendre un ticket chez le français. Mais a contrario, on voit mal Renault, qui pour juguler son endettement songe à vendre ses 20 % dans Volvo AB, « transférer le risque » en prenant une part dans Daimler, un groupe très dépendant des cycles fâcheux du poids lourd.
DENIS FAINSILBER, Les Echos
www.lesechos.fr/info/auto/020416676184-les-analyst..-renault-daimler.htm