Voici l'interview de Carlos ghosn parue sur le Figaro de ce jour :
Carlos Ghosn : «Le pire est derrière nous»
En pleine rentrée sociale, et à quelques jours du Salon de Francfort, le PDG de Renault et de Nissan dessine la sortie de crise dans un entretien au Figaro.
Carlos Ghosn commence à respirer et c'est de bon augure, un an après le début de la crise. Car les prévisions de ce patron emblématique, qui anticipa la récession actuelle avant tout le monde en juillet 2008, valent de l'or. «Je suis confiant, car si nous sommes encore dans une situation de déprime économique, la crise financière est clairement derrière nous, avec une régularisation des circuits financiers et une normalisation des activités bancaires. Nous pouvons emprunter à des taux plus favorables, l'investissement repart, les valeurs boursières remontent…», indique le PDG de Renault et de Nissan.
Bref, on est loin de la situation de panique du début d'année, qui avait conduit les constructeurs nationaux, privés de financement, à solliciter chacun un prêt public de 3 milliards d'euros pour traverser la crise. «Nous avions vu venir avant l'été 2008 une récession économique classique, mais la crise financière à laquelle personne ne s'attendait l'a alimentée et approfondie, la transformant en la plus grande récession depuis la Grande Dépression», résume-t-il.
Dans ce contexte, le Samouraï de l'automobile se prépare sereinement à la fin des plans de relance de la demande instaurés par différents gouvernements, comme la prime à casse. Alors qu'elle est déjà arrêtée en Allemagne, elle sera progressivement diminuée en France en 2010, conformément au souhait du patron de Renault, qui, avant l'été, avait évoqué le risque de «trous d'air» , en cas d'interruption brutale. «Ce type de mesure permet de soutenir la demande pendant la période nécessaire, mais nous savions qu'elles étaient temporaires. Lorsque la France mettra fin à la prime à la casse, nous pensons que la croissance et la demande auront été suffisamment relancées pour que l'on se retrouve dans une situation bien meilleure que s'il n'y avait pas eu de stimulus. Et cela, même si nous anticipons un impact négatif sur l'activité économique.»
D'ores et déjà, Carlos Ghosn entrevoit des signaux encourageants. «Sur de nombreux marchés, nous sommes à peu près en fin de période de récession. On a passé le plus dur notamment aux États-Unis et dans les pays émergents.» Mais selon lui, il ne faut pas en déduire «un rebond fort dans l'immédiat», mais plutôt «une remontée en douceur, étalée sur plusieurs années».
Fusions en vue
Et de préciser : «Nous devrions d'abord assister à un redémarrage aux États-Unis et dans les pays émergents au premier trimestre 2010.» Il faudra ensuite attendre «l a fin 2010, voire le début 2011, pour une amélioration en Europe. Elle sera suivie, en fin de course, par le Japon». Sur le Vieux Continent, l'année prochaine «devrait être à peu près au niveau de 2009 ou légèrement meilleure ».
Carlos Ghosn assure par ailleurs que la recomposition de l'automobile qui a vu l'inimaginable, en l'occurrence la faillite de General Motors et de Chrysler, est loin d'être achevée. Tout concourt à ses yeux à une concentration en vue de faire émerger des acteurs de taille plus importante. «Nous assistons à une explosion des investissements technologiques chez les constructeurs en particulier dans les voitures propres à un moment de grande fragilité financière. Cette situation les pousse à travailler ensemble pour partager les investissements, constate Carlos Ghosn.
Or pour que les ingénieurs collaborent de façon efficace et dévoilent leur savoir-faire, à mon sens, un projet spécifique n'est pas suffisant, il faut un véritable allié, sur le long terme », estime-t-il. Autrement dit, des échanges capitalistiques, voire des fusions.
Autre argument en faveur d'une course à la taille : «Il faudra désormais atteindre une échelle minimale pour donner aux fournisseurs, actuellement en situation de risque, les volumes leur permettant d'offrir des produits à des coûts compétitifs.»
Rebond certain des constructeurs japonais
Le PDG de Renault juge toutefois qu'il faudra un peu attendre avant que des opérations soient annoncées : «Pour l'heure, nous nous concentrons sur notre activité. Les mouvements de concentration dans notre industrie risquent de se déclencher en sortie de crise, lorsque les marchés seront stabilisés, les dettes résorbées et la profitabilité de retour.»
Qui tirera le mieux profit de la reprise ? Pour lui, il ne faut pas enterrer trop vite les groupes japonais, comme Toyota ou Nissan, en butte à de grandes difficultés. «Ils subissent de plein fouet à la fois l'effondrement de leur premier marché, les États-Unis, et l'appréciation du yen face au dollar. Mais lorsque ces deux éléments se normaliseront, ils joueront de nouveau un rôle de premier plan.»
Alors que les cartes sont en train d'être rebattues, avec un affaiblissement du numéro un américain et une montée en puissance de Volkswagen, Carlos Ghosn veut installer durablement Renault-Nissan, «parmi les trois principaux groupes mondiaux». En incluant le russe Avtovaz, l'alliance a écoulé 6,9 millions de modèles en 2008.
Lui qui dispose déjà d'une «alliance qui fonctionne» reconnaît avoir intérêt à ce que ces possibles concentrations aient lieu «le plus tard possible».
A la suite de cette interview, un article donnait quelques précisions sur les gammes futures :
Renault met les bouchées doubles dans la voiture électrique
Le constructeur veut créer un environnement favorable pour écouler en masse ce type de véhicule. Plus largement, il veut être présent sur tous les créneaux de marché, y compris le haut de gamme.
À quelques jours de l'ouverture du grand Salon automobile de Francfort, Carlos Ghosn prépare un show 100 % électrique. La marque au losange y présentera quatre modèles fonctionnant au courant (une Kangoo, une Mégane et deux citadines de tailles différentes).
Trois seront lancés en 2011 et un en 2012. « Nous voulons devenir le leader en termes de commercialisation de masse de la voiture électrique », martèle le PDG du groupe, alors que des rivaux dévoilent aussi leurs ambitions sur ce créneau.
Pour y parvenir, « il faut offrir un prix compétitif », souligne Carlos Ghosn. C'est-à-dire « un coût d'achat hors batterie équivalent à celui d'un modèle Diesel, et des coûts de location de batterie et de charge inférieurs ou égaux à ceux des dépenses d'essence ». « Nous voyons une opportunité sur ce créneau d'avenir, qui devrait représenter 10 % des ventes mondiales en 2020, insiste-t-il. Nous investissons plusieurs milliards de dollars, c'est colossal ! »
Pour l'heure, Renault, qui a annoncé des partenariats avec EDF en France et des pays comme Israël ou le Danemark, « négocie avec différents pouvoirs publics l'installation d'infrastructures de recharge et des incitations à l'achat de modèles électriques ». En fonction des pays, le groupe proposera des solutions différentes : bornes de recharges lentes ou rapides, stations d'échanges de batteries.
Davantage de modèles low-costs
À Francfort, le groupe devrait aussi dévoiler un accord avec un énergéticien allemand et exposera sa propre station d'échange de batterie - alors que ce système est développé en Israël par son partenaire Better Place.
Renault a également bon espoir de voir aboutir les discussions avec l'État pour l'installation d'une usine de batteries près de l'usine de Flins, où seront assemblés les futurs modèles 100 % propres.
Parallèlement, le constructeur, qui a perdu 2,7 milliards d'euros au premier semestre, compte « accélérer sa stratégie sur le low-cost », avec de nouveaux produits. Au total, les cinq modèles de cette gamme (comprenant quatre Logan et le Sandero), ont représenté 23 % des volumes mondiaux du groupe sur les sept premiers mois de l'année. En Europe, à fin juin, les ventes de Logan et de ses dérivés étaient en progression de 28,6 %, contre une chute de 18,8 % pour celles de la marque Renault.
En ce qui concerne, la voiture ultra-low-cost (à 2 500 dollars) en partenariat avec l'indien Bajaj et destinée à concurrencer la Tata Nano, la voiture la moins chère du monde, « le travail de conception continue. Nous sommes encore en amont du projet », assure Carlos Ghosn.
Ambitieux, le charismatique patron affirme « miser toujours sur le haut de gamme », malgré l'arrêt de la Vel Satis, le non-renouvellement de l'Espace et les performances décevantes de la Laguna.
Son objectif est de disposer « d'une gamme équilibrée ». « Après le lancement récent de la Laguna Coupé, nous sortirons dans le futur un modèle situé au-dessus de la Laguna.
Nous recommencerons jusqu'à ce que ça marche », assure-t-il. Carlos Ghosn a fait de la montée en gamme de Renault l'un de ses objectifs lors de son arrivée à la tête du constructeur en 2005. En juillet, le groupe avait indiqué que ce modèle serait fabriqué en Corée par sa filiale Samsung.
Ces deux articles laissent à penser que l'Alliance Renaul-Nissan ne renonce pas à participer à la consolidation du secteur et à faire des acquisitions ou passer d'autres alliances.
D'autre part Renault annonce qu'il persévérera dans le haut de gamme jusqu'à ce qu'il réussisse ! Cela change de certaines déclarations précédentes.