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Autos vertes : deux voies, deux mesures
[ 18/09/09 ]
DENIS FAINSILBER EST JOURNALISTE AU SERVICE INDUSTRIE DES « ECHOS ».
Les bookmakers lassés de miser sur les derbys de football Arsenal - Chelsea devraient s'intéresser de près au match que se livrent Renault et PSA autour des voitures propres. Lequel des deux finira par avoir raison ? Il est encore un peu tôt pour l'affirmer, mais, en tout cas, les deux constructeurs français ont choisi des routes radicalement différentes pour « verdir » leurs gammes dans les années à venir. Le plus audacieux des deux est incontestablement Renault, qui s'est mobilisé à fond, depuis près de deux ans, autour de la voiture électrique. Avec son partenaire Nissan, et en concurrence avec le seul petit chinois BYD à ce stade, le groupe au losange veut être le premier à imposer son standard de véhicules « zéro émission », pour la desserte des centres-villes pollués. « Ce qui est en jeu, ce n'est pas d'arriver à réduire le CO2 de 20 %, c'est de ne plus émettre de CO2 du tout »,martèle son PDG, Carlos Ghosn. Faisant fi des nombreuses incertitudes qui planent autour de ces programmes, à commencer par le déploiement des stations de recharge et l'autonomie très limitée de ces véhicules, il imagine déjà que l'électrique devrait représenter au moins 10 % des ventes automobiles mondiales en 2020. Sous-entendu : celui qui part le premier aura un avantage décisif sur la concurrence.
Après avoir beaucoup délocalisé sa production de voitures « classiques » vers les pays à bas coûts, le constructeur se sert également de ce nouveau vecteur d'image, étant entendu que l'usine de Flins (Yvelines), qui a perdu la fabrication de la Twingo et d'une bonne partie des Clio, sera chargée de développer des nouveaux véhicules « à courant » et de fabriquer leurs batteries.
L'approche est beaucoup plus prudente dans le clan Peugeot-Citroën, qui préfère, comme la plupart des grands constructeurs, ne se fermer aucune porte. « L'industrie automobile est véritablement en train de prendre un tournant »,convient son PDG, Philippe Varin. « La mobilité urbaine électrique va certainement générer de nouveaux concepts. Mais une chose est sûre, on ne mettra pas tous nos oeufs dans le même panier électrique. » Les voitures que l'on branche sur prise 220 volts représenteront-elles 5 % ou 10 % des ventes dans le futur ? « Aujourd'hui, personne n'en sait rien »,relève-t-il. Et les différentes études de consultants qui fourmillent sur le sujet n'aident pas à y voir plus clair : leurs conclusions sont souvent diamétralement opposées. Empreint de sa sagesse franc-comtoise, PSA travaille donc en parallèle sur trois axes différents : l'amélioration des moteurs thermiques traditionnels, en vue de faire passer plusieurs modèles sous la barre symbolique des 100 grammes de CO au kilomètre, les motorisations hybrides (qui associent dans son cas un moteur Diesel et un groupe électrique), et la voiture 100 % électrique, pour le moment achetée chez Mitsubishi pour limiter les coûts. Entre la fin 2010 et 2013, ces deux dernières solutions vont commencer à émerger. Pour le système de recharge électrique, PSA n'est pas pressé de choisir un partenaire et se donne encore six mois de réflexion, même s'il cherchera, avec sa prochaine petite voiture zéro émission, livrée fin 2010 chez Peugeot et en 2011 chez Citroën, à court-circuiter l'offensive commerciale de Renault.
Cette stratégie est assez proche de celle suivie par Volkswagen. Le nouveau numéro trois mondial de l'automobile tient à conserver toutes les options possibles. Pour le moment, le groupe compte beaucoup plus sur sa nouvelle Polo Blue Motion, qui consomme seulement 3,3 litres de carburant aux 100 kilomètres (soit 87 grammes de CO), que sur les modèles 100 % électriques annoncés pour 2013. A terme, le grand groupe allemand voit mal comment ces voitures rechargeables pourraient représenter plus de… 1,5 % du marché mondial. De plus, outre-Rhin, de nombreux observateurs ne se font pas berner par les sirènes du « zéro émission » et par l'absence de pot d'échappement sur ces modèles futuristes. Ils se demandent s'il est bien raisonnable de miser sur l'électricité produite par… des centrales thermiques au charbon. Un sujet qui guette aussi le vaste marché chinois, déjà très au fait des scooters électriques.
Renault à beau axer toute sa communication sur le sujet, soutenu en cela par le gouvernement français, les freins à la filière électrique sont bien réels. Le premier d'entre eux est dans la tête du client automobile, à qui il faudra bien, un jour ou l'autre, annoncer des tarifs et des coûts de revient précis. Aujourd'hui, les achats de petites voitures « semi-écolos » sont avant tout dictés par des raisons de budget et par la chasse aux remises. Le critère environnemental est sorti l'an dernier de la liste des dix principaux motifs d'achat d'une voiture, s'alarme le PDG de Volvo, Stephen Odell. Pour lui, ce n'est pas le « green » (vert) qui tire le marché mais le « greed » (l'avarice). Le client de Renault échapperait-il à cette tendance de fond ?