Le directeur technique châssis du Renault F1 Team revient sur une saison disputée, qui a permis à l’équipe de remplir sa mission et de préparer l’avenir.
Q: Bob, vous souvenez-vous de vos premières impressions lorsque la R24 a bouclé ses premiers tours de roues, en janvier dernier?
Bob Bell: Comme toujours, nous avions prévu une amélioration des performances par rapport à l’année précédente. C’est toujours l’objectif à se fixer : parvenir à dessiner une monoplace plus légère et plus rigide, distribuer les masses de manière plus optimale… Nous avons confirmé sur la piste. Il s’agissait d’un pas en avant très sensible et nos pilotes l’ont immédiatement noté. Les qualités de la R24 étaient son aérodynamique, sa traction, son utilisation des pneumatiques. Son moteur s’est aussi montré très vaillant et n’oublions pas qu’il s’agissait d’une nouvelle architecture. Enfin, nous étions peut-être la meilleure équipe en ce qui concerne l’utilisation des systèmes électroniques.
Q: Aucune mauvaise surprise avec cette monoplace?
BB: Nous ne nous attendions pas à ce que la voiture soit plus difficile à conduire, je dois l’avouer, car aucun changement susceptible d’influer sur ce domaine n’avait été décidé lors de la conception de la voiture. Selon nos pilotes, la R24 était moins prévisible que sa devancière à la limite, et un peu plus nerveuse dans les virages rapides. Nous avons alors immédiatement engagé les modifications nécessaires pour corriger le tir. Nous avons tenté de délimiter le problème, de le comprendre, et d’y remédier.
Q: Y êtes-vous parvenus?
BB: Dans une certaine mesure, oui. Nous avons travaillé dur et avons réalisé des progrès sensibles. Cependant, éradiquer complètement ce défaut aurait demandé la modification d’éléments fondamentaux de la voiture, comme la monocoque, et nous avons choisi de ne pas opter pour cette solution.
Q: Pourquoi?
BB: D’abord, les changements à venir en 2005 ont demandé d’immobiliser très tôt des ressources matérielles et humaines conséquentes. Puis, il ne faut pas oublier que les performances de la R24 nous permettaient de lutter avec les meilleurs sans modification de structure.
Q: Sachant que les monoplaces de la saison prochaine seront très différentes, a-t-il été délicat de travailler sur le développement R24 et la conception R25 en même temps?
BB: En fait nous avons mené trois études de front. Nous avons respecté le programme de développement classique de la R24, nous avons travaillé sur la rectification de sa nervosité à grande vitesse… et commencé à dessiner la voiture 2005 dès juillet dernier. Vous savez, il n’y a pas de miracle en F1. Tout est question de rigueur, d’organisation, d’affectation de ressources et de planification. En ce sens, je ne pense pas qu’Enstone ait souffert de ce triple programme.
La R24 sacrifiée en faveur de la R25?
Q: Avez-vous extrait toute la performance possible de la R24?
BB: Nous aurions peut-être pu en gagner davantage en levant le pied sur le programme 2005, mais cela n’aurait pas été le bon choix.
Q: Côté fiabilité, êtes-vous également satisfait des prestations de la voiture?
BB: Oui. Nous avons enregistré trois abandons sur problème châssis: deux au Canada et un à Silverstone. Mis à part ces incidents, la voiture s’est montrée fiable dès le premier jour.
Q: Pouvez-vous déjà parler de la saison prochaine?
BB: Les pertes aérodynamiques provoquées par le nouveau règlement sont très sensibles et nous travaillons très dur en soufflerie. Nous savons déjà que notre prochaine voiture sera bonne. Elle disposera d’un nouveau système électronique, et d’un moteur très sensiblement modifié. Du côté mécanique, l’équipe de Tim Densham, designer en chef, travaille sur la fiabilité, la facilité d’utilisation.
Q: Etes-vous favorable à la diminution des performances?
BB: Oui. Je pense que nous avions atteint une situation qui, si on n’y avait pris garde, aurait pu devenir problématique. Les vitesses atteintes cette année étaient incroyables et nous devions réagir, sans quoi la F1 serait devenue beaucoup plus dangereuse.
Q: Pensez-vous que la Formule Un, aujourd’hui, soit avant tout affaire de bureaux d’études, de simulation, de pneumatiques et de datas?
BB: Non. Et c’est la raison pour laquelle j’adore mon métier. Une monoplace n’est qu’un outil, qu’il faut ensuite savoir exploiter. En ce sens, c’est encore l’humain qui fait la différence dans ce sport. La victoire n’est pas fonction d’un temps au tour optimal, mais d’un travail d’équipe : stratégie, exécution des ravitaillements, choix des pneumatiques, gestion d’un week-end entier, pilotage… Malgré la débauche de technologie qui frappe la F1, c’est un groupe de personnes uni par la passion de la course qui décroche le résultat final. Plutôt rassurant, non?
D'après Renault F1 Team