Franck Montagny : un coq en Formule 1
''En France, on est les rois des crétins...''
Ravi comme un coq en pâte, la crête désormais aplatie en avant sur le front, conscient de son bagage technique et fier d'être Français, Franck Montagny participe à Barcelone, grâce à Super Aguri, à son deuxième Grand Prix alors qu'il tournait le dos à la Formule 1.
Il a profité de l'incapacité du Japonais Yuji Ide - pourtant porté à bouts de bras par Honda - à piloter en Grand Prix pour récupérer un baquet de course. Et sa joie de s'y trouver ainsi que sa liberté de ton font plaisir à voir plaisir dans le monde aseptisé de la F1.
"Je suis fier d'être Français ! En France, on est les rois des crétins car le drapeau, on s'en fout ! On voit rarement des gens enlever leur casquette pour écouter l'hymne... C'est dommage car il y a des gens qui se sont battus pour notre drapeau !", assène le premier Tricolore à piloter en Grand Prix depuis la retraite d'Olivier Panis après celui du Japon en octobre 2004.
Malgré les milliers de kilomètres accumulés au volant d'une Renault en tant que pilote essayeur de 2003 à fin 2005, malgré son apport à la conquête des premiers titres mondiaux de l'écurie au Losange en 2005, Montagny avait tiré un trait sur la F1, n'ayant reçu aucune nouvelle proposition.
Et c'est une écurie japonaise créée dans l'urgence qui lui a tendu un volant secourable en 2006, alors qu'il avait essuyé un échec en ChampCar aux Etats-Unis et qu'il n'avait plus pour objectif que les 24 Heures du Mans.
Dès les troisièmes essais libres du GP d'Europe, dans une Super Aguri-Honda totalement inadaptée à son gabarit dépassant le 1,80 m, qu'il n'avait jamais pilotée, chaussée de pneus Bridgestone fondamentalement différents des Michelin avec lesquels il avait l'habitude de travailler chez Renault, après cinq mois d'inactivité, Montagny s'est montré largement plus rapide que son coéquipier Takuma Sato.
"C'est bien de mettre une étincelle, maintenant il faut mettre du bois", commente-t-il, sachant que son avenir est incertain dans une écurie à vocation résolument japonaise comme le proclament les inscriptions ornant les monoplaces blanches : "Born in Japan (Né au Japon)".
Né il y a 28 ans à Fleurs (Loire), Montagny s'est hissé jusqu'au plus haut niveau à coups de volant en karting, Formule Campus (Champion de France en 1994 dès sa première tentative), F3000 et Formule Nissan, sans aide financière familiale mais en décrochant des bourses de Elf notamment.
Son apprentissage est également passé par des bas, en particulier en 1996 lorsqu'il se broya les chevilles dans un accident en Formule Renault.
Pour piloter en Grand Prix de F1, il est désormais prêt à tous les sacrifices... sauf ceux de payer son volant et de renier sa personnalité.
"Moi, je ne veux pas que ça me coûte pour rouler, affirme-t-il à la veille des premiers essais libres du GP d'Espagne. Je connais mon bagage technique, et sans vouloir paraître prétentieux, je sais que lorsque je monte dans une voiture, ça roule tout de suite".
Néanmoins, "je serais le roi des imbéciles si je demandais 300.000 euros à une écurie qui n'a pas d'argent et qui me donne ma chance de courir", précise-t-il.
Renault lui avait demandé de ne plus porter ses jeans à la mode, de se couper les cheveux... "Je ne veux plus entendre parler de ces trucs là", coupe-t-il. La coiffure hirsute a pour le moment laissé place à son exact contraire: des cheveux plaqués sur le crâne... au gré de l'inspiration de ce pilote, propriétaire d'un salon de coiffure à Barcelone.
"Mais je vous rassure, ce n'est pas moi qui coiffe", lance-t-il.
Pour le moment, même si son avenir en F1 n'a pour horizon que le Grand Prix de Monaco, après Barcelone, même si sa monoplace ne lui permet même pas d'espérer "être en milieu de grille", Montagny est tout simplement heureux d'être enfin pilote de course en F1.
"Ma vie a changé : ma chambre est maintenant sur un circuit !" clame ce célibataire qui a élu domicile à Oxford (Angleterre).
D'après AFP