bon, revenons au sujet, même si quatre années se sont écoulées depuis.
La genèse de l’Espace : dates et moments clés.
La situation : Matra, dirigé par Jean-Luc Lagardère est au plus mal avec l’échec de la Muréna. Il faut donc innover dans un autre créneau : la voiture de loisir. A cette date, la Rancho est en plein boum de sa carrière (1976-1983).
Le déclic : Jean-Luc Lagardère revient des Etats-Unis et demande à Philippe Guédon de se rendre à Détroit (centre d’études de Chrysler) pour glaner quelques idées. Nous sommes en septembre 1978. Voyage de trois jours. Le van fait fureur en tant que véhicule de loisir. L’idée est bonne, mais il faut adapter à l’échelle européenne.
L’esquisse : dès son retour, Philippe Guédon demande à Antoine Volanis (dessinateur chez Matra) un dessin qui reprend les idées d'un véhicule de loisirs pour remplacer la Rancho. Reprendre les idées du « van » mais, à la française. Il lui faut absolument le dessin pour lundi, soit un WE de travail. Antoine Volanis relève le défi et fait l'esquisse appelée depuis le dessin orange.
Les étapes :
Matra met tout en œuvre pour ce projet. Le directeur des projets, Georges Pinardaud réalise une maquette pleine dévoilée en juin 1979, suivie d’une maquette dévoilant l’intérieur. Le projet P16 : toutes les Matra portent un numéro de projet « P » suivi d’un numéro, dans l’ordre.
La mise en œuvre demande des investissements que Matra ne sait assumer seul. Il faut se tourner vers un partenaire.
Novembre 1979 : le projet P16 est présenté à Peugeot (Peugeot détient à cette époque 45% des parts de Matra). La firme sochalienne attend des évolutions pour se prononcer.
Avril 1981 : le prototype roulant P18 est présenté et reçoit les accords de principe. Les essais se font sur route et les défauts sont corrigés.
Début 1982 : prototype définitif et roulant.
27 mai 1982 : le RDV de la dernière chance. Henry Guyot (président de Matra automobile) et Philippe Guédon (directeur général adjoint) rencontrent Jean Boillot et Lucien Collaine (directeur général des Automobiles Peugeot). Ils sont intéressés mais n’ont pas les moyens financiers ; ils viennent de boire le bouillon avec le rachat de Talbot et la priorité est donnée à la sortie de la 205, projet providentiel de la marque (l’avenir leur donnera raison pour la 205).
Chez Citroën : suite au refus de Peugeot, Guédon retravaille le projet et en quelques semaines, il présente à Xavier Karcher (PDG) le projet P20, basé sur une plate-forme de la future BX. Ce PDG n’est pas audacieux et croit plus à « un utilitaire », ce qu’il ne fallait pas dire !
La dernière chance : après avoir même pensé à BMW, c’est vers la Régie Renault que les deux compères se tournent. Matra est nationalisé depuis un an et il faut « rester en France ». Guédon connaît très bien chez Renault le directeur du produit à la Régie, Christian Martin, à qui il avait déjà présenté de manière confidentielle le P18, appelé encore petit van. C’est à l’époque Bernard Hanon qui est président de la Régie. Il est très imprégné par la culture américaine et a vécu aux Etats-Unis de nombreuses années, ce qui n’est pas négligeable. Afin de mettre toutes les chances de leur coté, Guédon et son équipe se mettent à l’ouvrage et choisissent une base de Renault 18 et le train avant et la motorisation de la Fuego, coupé sportif en vogue au début des années 80. C’est à ce moment que Volanis et Pinardaud quittent le navire. Ils sont remplacés par Jean-Louis Caussin et Aimé Saugues. C’est la naissance du projet définitif : le P23.
La délivrance : 15 décembre 1982, 15 heures, au centre d’études de la Régie nationale. Bernard Hanon et Christian Martin, sont accompagnés de quelques collaborateurs : Jacques Cheinisse (ex Alpine), Philippe Lamirault, Georges Vian et Claude Wets. Ils demandent à Guédon (venu seul sur les conseils de Bernard Hanon) de ne rien dire et se chargent eux-mêmes de l’analyse du produit. Une demi-heure de silence pendant laquelle le prototype est analysé sous toutes les coutures. Ils rejettent l’idée de la banquette arrière, veulent un moteur puissant pour ne pas confondre avec un utilitaire. Un clinic-test est décidé. On présente le prototype non identifié parmi des voitures existantes mais on a dissimulé la marque.
23 janvier 1983 : signature de la lettre d’intention.
Avril 1983 : maquette définitive approuvée, version avec des sièges indépendants et plancher plat.
Juin 1983 : accord définitif des deux partenaires, production du projet "Matra", utilisation des organes et moteurs "Renault" (Fuego, R18 et R11 - nombreuses pièces communes), vente dans le réseau "Renault", mais toujours châssis "Matra automobile" soit VF8, mais la calandre reste uniquement rhombique. Matra n’a pas le choix. Guédon devient PDG de Matra Automobile.
Décembre 1983 : Renault approuve les prototypes.
Janvier 1984 : les premiers exemplaires de préséries commencent à rouler.
Mars 1984 : lancement de la chaine à Romorantin.
Avril 1984 : descriptif commercial terminé sous le nom de « Espace » (nom donné par Renault et non par Matra).
Mai 84 : présentation à la presse spécialisée, aux médias.
Juillet 84 : début de la commercialisation : seulement 9 exemplaires vendus dans tout l'hexagone...soit le bide total !
Fin 1984 : 2703 exemplaires vendus mais il faut un chiffre de vente de 45 exemplaires par jour pour amortir l’investissement. Une perte brute de 8000 FF sur chaque modèle vendu !
Il faut redresser la Régie : le 23 janvier 1985, Bernard Hanon est remplacé par Georges Besse qui n’a aucun état d’âme pour Matra et ne se sent pas engagé pour l’Espace dont les ventes commencent à décoller.
Mars 1985 : 10.000 voitures produites et première distinction : prix de l’innovation technique pour l’originalité et l’audace. La voie royale est tracée…
Alors, une de ces neuf exemplaires de juillet 84 roule encore...c'est la mienne. Date mc : 17/07/1984
la restauration :
http://espacep23.skyrock.com