Renault, Volkswagen et le jeu de dupes des normes
Julien Dupont-Calbo / Journaliste | Le 19/01 à 19:19
Les ennuis de Volkswagen puis de Renault illustrent à nouveau le décalage croissant entre les tests des voitures en laboratoires et les conditions réelles de conduite. Un système caduc mais difficile à réformer.
Justice divine ou temporelle. Faut-il respecter la loi parce que c’est la règle ou parce que c’est « bien » ? L’industrie automobile nous ressert un épisode de l'antique débat, après les deux grands coups de pied dans la fourmilière que constituent le scandale Volkswagen et ce qui n’est pas encore l'affaire Renault. D’un côté, on trouve les constructeurs, qui ne voient pas pourquoi laver plus blanc que blanc – leurs véhicules sont déjà homologués par les autorités compétentes. De l’autre, des défenseurs de la planète qui s’insurgent – les industriels vendent sciemment des véhicules qui, en réalité, ne respectent plus les limites légales de pollution une fois sur route. En somme, c’est le conflit entre la lettre et l’esprit.
Une mise à jour réclamée par tous
Pour tenter d’obtenir un début de réponse à la question, encore faut-il que les règles soient justes et claires dans toutes les têtes. En l’espèce, c’est tout le contraire. Etablis à une autre époque (les années 1970 pour les plus anciens), les différents thermomètres ne veulent plus rien dire. Une litanie sans fin d’études constate le décalage croissant entre les tests en laboratoire – qui servent à homologuer les voitures ou à fixer le niveau des bonus et malus –, et les résultats concrets sur route.
Cela vaut pour les émissions de CO2, et celles de gaz ou autres particules nocives pour l’environnement ou la santé. Même l’Acea, le lobby européen des constructeurs, réclame désormais officiellement une mise à jour du système. Surtout, les tests officiels sont effectués par des organismes privés, nationaux, et financés par les marques de voitures elles-mêmes.
Un système caduc depuis longtemps
En clair, le système est caduc depuis longtemps, et tout le monde le sait. Ceci ressemble donc à un vaste jeu de dupes, où trouver les fautifs ne s’avère pas bien compliqué. A vrai dire, personne n’est en reste. Pris entre la nécessaire défense de l’emploi et les impératifs de santé publique, les politiques naviguent à vue et rechignent à trancher en faveur de l’un des deux camps. S’ils ont effectivement fait des efforts et des progrès, les industriels peuvent difficilement faire semblant de ne pas comprendre le problème. Quoi qu'on dise, un équipement antipollution qui ne fonctionne pas tout le temps ne sert pas à grand-chose. Les écologistes, eux, doivent comprendre que les limites technologiques ne peuvent s’effacer d’un coup de baguette magique (même avec de la bonne volonté) – et que les groupes concernés évoluent dans un marché contraint et concurrentiel, où le prix des voitures compte énormément.
Enfin, même les consommateurs pourraient concéder leurs torts. Après tout, c’est bien pour eux que les moteurs sont de plus en plus puissants, qu’ils affichent de plus en plus de « reprise » ou de « patate ». Eux qui ne semblent pas prêts à débourser plus pour polluer moins.
Sortir de l’impasse risque néanmoins de se révéler assez compliqué. A Bruxelles, les discussions durent depuis quelques années déjà. On veut améliorer la fiabilité des homologations et des contrôles. Mais même si les planètes s'alignent enfin, le sujet semble presque inextricable. Des conditions réelles de conduite ? Elles varient énormément, qu'il neige ou qu’il vente. Ou bien selon le parcours, urbain, sur autoroute ou dans les embouteillages. Même en fonction de la personne au volant. Pour rétablir la confiance, il faudra bien rendre les thermomètres plus sincères. Certains politiques réclament la création d’un organe public européen dédié à la tâche. Comme dans les avions.
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http://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/0216..?7Yvpxd8LPoe4TFCB.99