Ford est prêt à céder Aston Martin pour tenter de redresser sa situation aux Etats-Unis
es voitures de James Bond vont changer de propriétaire. Ford a en effet annoncé, jeudi 31 août, qu'il envisage de se séparer des voitures de sport britanniques Aston Martin. La cession de cette marque prestigieuse, qui n'a vendu que 4 500 voitures en 2005, ne va pas réellement bouleverser le profil du troisième constructeur mondial, mais elle marque une accélération de la restructuration du géant de Detroit.
La situation devient urgente : Ford a perdu 1,45 milliard de dollars (1,13 milliard d'euros) sur les six premiers mois de l'année. La fermeture de 14 usines et la suppression de 30 000 emplois annoncées en janvier (Le Monde du 25 janvier) ne semblent plus suffisantes pour rapidement redresser la situation.
Le groupe américain doit ainsi annoncer le 11 septembre, à l'issue d'un conseil d'administration, de nouvelles mesures. La vente d'Aston Martin n'est que la première étape de ce nouveau tour de vis.
En difficulté sur le marché américain, où sa part de marché est tombée à 17 % sur les sept premiers mois de l'année, contre 17,9 % un an auparavant, Ford est à la recherche urgente de liquidités pour faire face à ses engagements financiers et pour se relancer sur le plan industriel.
Après le loueur de voitures Hertz vendu en 2005, c'est donc au pôle de voitures de luxe, déficitaire, de faire les frais de cette politique de cession. La vente d'Aston Martin doit permettre à Ford "de lever des capitaux qui seront réinvestis dans nos autres marques", explique Bill Ford, le patron et petit-fils du fondateur du constructeur américain. "Aston Martin disposant d'un réseau de distribution et de produits sensiblement différents (du reste du groupe), ce désengagement apparaît comme le plus logique", a-t-il ajouté.
ETUDIER D'ÉVENTUELLES ALLIANCES
Le moment pour céder Aston Martin semble bien choisi : la marque a dégagé en 2005 ses premiers profits en quarante ans. Reprise à 75 % par Ford en 1987, puis en totalité en 1994, la société de Gaydon (Angleterre) pourrait faire le bonheur d'un fonds d'investissement. Celui de l'ex-PDG de Ford Jacques Nasser, One Equity Partners, est régulièrement cité par les rumeurs.
La cession d'Aston Martin reste une opération modeste au regard de la gravité de la situation de Ford. D'autres mesures devraient être annoncées dans les prochains jours. Ford a chargé en juillet un ancien banquier d'affaires, Kenneth Leet, de faire un audit stratégique afin d'étudier ce qui pouvait être cédé. Certains observateurs parient sur la vente partielle de Ford Motor Credit, la très rentable division financière du constructeur. Jaguar, racheté en 1986 et qui n'a toujours pas rapporté le moindre dollar à Ford, est également dans le collimateur.
De nouvelles suppressions d'emplois pourraient être à l'ordre du jour. Le groupe vient d'ailleurs de décider de réduire sa production nord-américaine de 21 % au quatrième trimestre. Ford tente d'adapter ses usines à la baisse des ventes de 4 × 4 et de gros pick-up, de plus en plus boudés par les Américains à cause de la flambée des prix du pétrole.
M. Leet a aussi pour mission d'étudier d'éventuelles alliances avec des constructeurs. La proposition de Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan, de collaborer avec General Motors (GM) fait cogiter le petit monde de l'automobile. Au cas où GM refuserait la main tendue par M. Ghosn, Ford pourrait être tenté par un rapprochement avec le franco-japonais.
Stéphane Lauer
Le Monde