Vladimir Poutine fait pression sur Renault pour qu'il renfloue Avtovaz
a Russie se transforme-t-elle en cauchemar pour Renault ? Alors que le marché russe s'effondre, le constructeur français a fait l'objet, vendredi 2 octobre, d'un ultimatum de la part de Vladimir Poutine, le premier ministre russe : "Ou bien (Renault et Nissan) participent à l'avenir au financement d'Avtovaz, ou nous allons devoir négocier avec eux la hauteur de leur part", a-t-il lancé à l'occasion d'un conseil des ministres. En clair, soit Carlos Ghosn, président du groupe, accepte de renflouer le fabricant des Lada, soit Renault prend le risque d'être dilué et de perdre une partie de sa mise de départ dans le constructeur russe.
Renault avait acquis, en décembre 2007, un quart du capital d'Avtovaz pour 665 millions d'euros. A l'époque, le marché russe était l'un des plus dynamiques d'Europe. Mais la crise l'a ébranlé. Les ventes d'automobiles ont chuté de 51 % sur les huit premiers mois de 2009.
Avec ses usines vétustes, sa culture d'entreprise héritée de l'époque soviétique, ses véhicules de mauvaise qualité - 60 % des Russes n'en veulent pas, selon un sondage récent -, Avtovaz n'a pas résisté à la tempête. En août, les chaînes de montage de Togliatti, l'usine géante située sur les bords de la Volga, ont été arrêtées. En septembre, la production a repris mais à un rythme deux fois moindre qu'avant la crise. Du coup, les salaires ont été réduits de moitié (6 000 roubles, soit 135 euros par mois) et 28 000 personnes vont être mises à pied d'ici à décembre.
Au printemps, le gouvernement a injecté 25 milliards de roubles pour aider le constructeur à rembourser ses dettes (environ 1,2 milliard d'euros). Mais cela n'a pas suffi.
AIRBAG EN OPTION
Depuis l'époque soviétique, ce monstre industriel - 102 000 ouvriers, une vingtaine de directeurs adjoints - est un gouffre sans fond. Ses Lada - une quinzaine de modèles bas de gamme où l'airbag est le plus souvent en option - ne trouvent guère preneurs et Renault n'a pas eu le temps de moderniser l'entreprise.
L'Etat russe ne compte pas remettre la main à la poche. "Nous avons octroyé une première tranche de 25 milliards de roubles. Nous avons défendu les intérêts (de Renault-Nissan) en faisant en sorte de ne pas diluer leur part", a justifié M. Poutine.
Ces déclarations interviennent alors que le gouvernement met la dernière main à un projet de holding contrôlée par l'Etat réunissant trois constructeurs russes, dont Avtovaz. Elle devrait s'enrichir, à terme, de la part d'Opel détenue par la banque Sberbank. Que vont devenir les actifs de Renault dans ce vaste Monopoly ?
La recapitalisation, avec dilution des parts des investisseurs étrangers, est un grand classique des affaires en Russie. Pourtant, mardi 29 septembre, Vladimir Poutine avait lancé une offensive de charme envers les investisseurs étrangers, assurant que l'Etat allait desserrer son emprise sur l'économie du pays.
Renault n'a pas souhaité faire de commentaires aux déclarations de M. Poutine. Encore récemment, M. Ghosn assurait : "Nos relations avec M. Poutine sont bonnes." Pour Gaétan Toulemonde, analyste à la Deutsche Bank, les Russes veulent "peut-être mettre la pression pour que Renault transfère de la technologie". Même si Renault ne pouvait pas prévoir l'effondrement du marché automobile russe, son investissement dans Avtovaz se révèle désastreux. Ainsi, il a été obligé de déprécier sa participation dans le constructeur, qui ne vaut plus que 295 millions d'euros. De plus, précise M. Toulemonde, "Renault aurait dû toucher 165 millions d'euros de royalties au deuxième semestre 2008, il n'en a perçu que 50 millions". En juin, sous la pression russe, Yann Vincent, le patron opérationnel d'Avtovaz, a dû laisser sa place à un dirigeant local.
"La Russie et l'alliance avec Avtovaz sont toujours une opportunité stratégique fondamentale, martelait encore récemment Patrick Pelata, directeur général de Renault, mais la route sera semée d'embûches." Il ne croyait pas si bien dire.
Nathalie Brafman et Marie Jégo (à Moscou)