Les constructeurs automobiles allemands rachètent l’activité cartographie de Nokia pour contrer Google Maps
Le Monde.fr | 03.08.2015 à 08h04 • Mis à jour le 03.08.2015 à 09h36 | Par
Philippe Jacqué
Nokia a annoncé, lundi 3 août, la vente de sa filiale de cartographie Here à un consortium de constructeurs automobiles allemands, réunissant Daimler, maison mère de Mercedes-Benz, BMW et Audi (groupe Volkswagen).
La transaction, qui devrait être finalisée d’ici au premier trimestre 2016, valorise cette activité à 2,8 milliards d’euros, dette comprise. L’équipementier finlandais des télécommunications a indiqué qu’il compte en retirer un produit net de 2,5 milliards d’euros.
En 2008, Nokia avait racheté Navteq, l’ancêtre de Here, et ses centaines de brevets, pour 8,1 milliards de dollars. En 2014, cette unité n’était plus valorisée que 2 milliards d’euros dans ses comptes.
Bataille pour le contrôle du tableau de bord
Pour les trois spécialistes allemands des automobiles premiums, habituellement rivaux, il n’est manifestement pas question de laisser passer l’opportunité de racheter l’un des rares acteurs de taille mondiale de la cartographie et de la géolocalisation encore indépendant et disponible sur le marché.
« Pour l’industrie automobile, c’est la base de nouveaux systèmes d’assistance et, à terme, de la conduite pleinement autonome », ont indiqué les trois groupes dans un communiqué.
En plus de proposer des cartes, Here donne également accès à des services d’orientation qui se rapprochent d’autres produits de Google comme Waze. Le service dit équiper 80 % des systèmes de navigation installés d’origine dans les véhicules.
Beaucoup d’acteurs se sont intéressés au dossier : de Facebook à des fonds d’investissements, en passant par les constructeurs japonais ou coréens, ou encore Uber, le spécialiste du transport avec chauffeur. Ce dernier a récemment jeté l’éponge et a fini par porter son dévolu sur d’autres acteurs comme deCarta et certains services de Bing Maps, appartenant à Microsoft.
Ce rachat s’inscrit dans le cadre d’une bataille plus large pour le contrôle d’une partie du tableau de bord des futures voitures – intelligentes et autonomes. En rachetant Here, la « vieille » industrie cherche surtout à faire pièce à la nouvelle économie.
A l’heure du développement de la voiture autonome, les marques allemandes sont déterminées à ne pas dépendre du géant Google et de son service Google Maps, omniprésent aujourd’hui sur les smartphones et les ordinateurs.
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Avènement de la voiture connectée et autonome
Pour que ce véhicule autonome voie véritablement le jour, il faut non seulement des capteurs et autres radars sur la voiture, mais aussi un système cartographique le plus précis possible. « Quand on dispose de ce service en propre, on peut atteindre une plus grande précision. A près de 30 cm. Et c’est important pour certains acteurs », relève Hadi Zablit, du cabinet BCG.
« Avec l’avènement de la voiture connectée et autonome, les groupes allemands veulent absolument conserver la main sur les données produites par les véhicules et leurs conducteurs. Ils ne veulent pas que les parcours ou habitudes des conducteurs ou passagers soient exploités et monétisées par Google ou tout autre acteur venu de la Silicon Valley », explique Laurent Petizon, d’AlixPartners.
En juin, après un an de discussions infructueuses avec Google, Rupert Stadler, le PDG d’Audi indiquait à Berlin qu’« un véhicule est aujourd’hui comme un second salon. Et c’est un endroit privé. La seule personne qui doit accéder aux données produites à bord, c’est le client. »
Résistance à Google
La posture est largement marketing, mais elle explique pourquoi les marques allemandes, contrairement aux autres constructeurs européens ou asiatiques, résistent autant à Google qu’à Apple et son système d’opération pour véhicule, CarPlay.
Avec Here, Audi, BMW et Mercedes entendent entrer aussi dans un nouveau cycle. « Ces groupes sont dans une industrie où les besoins de capitaux sont très importants et les retours sur investissements très faibles, même dans le premium. Ils entrent, avec ce rachat, dans une industrie à faible besoin de capitaux et forts retours sur investissements », poursuit Laurent Petizon.
Mardi 21 juillet, l’équipementier Bosch a annoncé son association avec TomTom pour développer une cartographie de haute résolution.
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