Citation:Essai exclusif : Renault Fluence Z.E.
Par Léo MINGOT d'Autonews.fr | Jeudi 6 Octobre 2011
Après des années de promesses et d'annonces fracassantes, Renault sort enfin du bois et nous présente son premier véhicule entièrement électrique : Fluence Z.E. Nous sommes donc désormais en mesure de juger de la qualité et de la viabilité de l'offre "zéro émission" du constructeur au losange. Alors, l'électrique : révolution ou rêve insensé ? Autonews vous offre en exclusivité le tout premier essai de cette Renault électrique.
Depuis un certain nombre d'années, l'écologie et la réduction de la pollution des véhicules sont devenus des thèmes primordiaux dans le monde de l'automobile. Ainsi, de nombreux constructeurs ont alors planifié leur action vers un futur propre et ont tiré des plans sur la comète avec des technologies diverses, réalisables plus ou moins rapidement. Tandis que beaucoup se sont tournés pour le court terme vers l'hybride, Renault lui, a voulu tirer son épingle du jeu faisantle pari de l'électrique accessible à (presque) tous. Inutile de préciser que le scepticisme fut de mise pour beaucoup et nombreux ont alors dénoncé un énorme coup de bluff ou le camouflage d'un retard flagrant dans l'hybride. Le losange, de son côté, décrivait ce mode de propulsion comme étant un "gadget" et annonçait que l'avenir était au tout électrique, technologie dans laquelle il serait très vite le leader.
L'offensive électrique a débuté au début de l'année 2011 avec le trio franco/nippon Mitsubishi i-Miev, Peugeot Ion, Citroën C-Zéro puis avec la Leaf de Nissan, allié du losange. Ces véhicules, au regard des prestations offertes, sont proposés à des tarifs plutôt élitistes (+ de 30 000 €) et ne sont ainsi pas accessibles au commun des mortels. Renault compte remédier à ce surcoût et ainsi se démarquer de la meute, en vendant ses véhicules sans les batteries et en proposant des forfaits de location pour ces dernières. En plus de réduire le coût d'achat du véhicule, l'autre argument mis en avant par le Losange est le fait que le client n'a pas à se soucier de l'usure des batteries et de leur remplacement.
Ainsi la Fluence Z.E. sera commercialisée dès la fin du mois d'octobre à un tarif débutant à 20 900 € (bonus écologique de 5 000 € déduit) et s'affiche donc à peu de chose près au même prix que la version thermique diesel. Bien entendu, à cela s'ajoute l'abonnement pour la location des batteries qui démarre à 82 € par mois (pour une limite de 10 000 km par an et un engagement sur 36 mois). A noter que le forfait kilométrique peut être augmenté et la durée d'engagement diminuée, cela fait bien évidemment grimper la note (au maximum 148 € par mois pour un forfait de 25 000 km annuels et un engagement sur 12 mois). Au vu de ces données, l'achat de cette Fluence Z.E. ne semble pas excessif pour les clients habituels de ce segment, la location des batteries étant en partie compensée par l'avantage de coût de l'électricité par rapport aux carburants habituels à base de pétrole. Reste à savoir maintenant ce que vaut cet engin du futur sur la route, avec une utilisation "normale".
La Fluence Z.E., basée sur le modèle thermique du même nom, est visuellement presque identique à celui-ci, à quelques détails près. Notre modèle d'essai arbore une peinture "bleu Energy", spécifique à la gamme Z.E., qui lui va à ravir. Extérieurement, les différences avec son homologue diesel se limitent à une calandre spécifique plus ouverte, des feux arrière redessinés et un certain nombre d'éléments bleutés comme les phares, la grille de calandre et les logos. Ce package "électrifié", associé au silence de fonctionnement, nous vaudront d'ailleurs un certain nombre de doigts pointés ainsi que quelques pouces levés, agrémentant notre passage dans les rues de Lisbonne, lieu de l'essai de la "soucoupe roulante" de Renault. Si cela n'est pas vraiment visible au premier coup d'oeil, le gabarit de la voiture a été modifié avec 13 cm de plus en longueur, ajoutés au porte à faux arrière : il fallait bien loger les batteries au dos de la banquette arrière, sans perdre en habitabilité intérieure.
Ces batteries Lithium Ion, qui grèvent la capacité du coffre de 213 l (317 l au lieu de 530 l sur la Fluence diesel) malgré l'allongement du véhicule, ajoutent un poids de 280 kg sur le train arrière. Renault annonce donc une bonne répartition des masses avec 54% du poids sur l'arrière du véhicule. Le train arrière a donc été renforcé, mais le châssis reste celui de la Fluence thermique. Le moteur électrique fournit une puissance de 70 kW (95 ch) et surtout un couple maxi de 226 Nm disponible presque immédiatement. Mais ces valeurs ne doivent pas être comparées à celles d'un véhicule thermique, car le fonctionnement du moteur et la disponibilité de la puissance ne sont pas du tout les mêmes.
Une fois installé à bord de ce modèle de civisme automobile, pas de révolution. Le tableau de bord est pratiquement identique à celui de la Fluence "normale". Seuls le compteur de vitesse et la jauge d'autonomie sont cerclés de bleu, et une petite jauge indique la puissance instantanée utilisée. On est donc loin du côté futuriste d'une Toyota Prius ou d'une Opel Ampera mais au moins, on garde les qualités de la Fluence telles que la très bonne habitabilité. Pour le démarrage, là encore on reste dans le très classique avec une basique clé de contact. En revanche, et c'est là la magie de l'électrique, aucun bruit ne se fait entendre et la voiture avance en toute discrétion, à la manière d'un engin furtif venu d'un autre monde, mis en mouvement par une force obscure.
La Fluence Z.E. se conduit à la manière d'une automatique, avec deux pédales (accélérateur et frein) et un levier permettant de sélectionner la marche avant, marche arrière et frein de parking. Mais le plus étonnant reste son potentiel d'accélération dès l'arrêt, du fait du fonctionnement "on/off" de son moteur électrique. A tel point que l'on se prend vite au jeu du départ arrêté fulgurant en s'amusant régulièrement à "taper" les grosses berlines allemandes au feu rouge, le tout dans un grand silence.
Bien sûr, cette Z.E. n'est pas une sportive, mais l'association de la réponse instantanée de l'accélérateur au silence de fonctionnement, offrent au conducteur un réel agrément de conduite et un certain plaisir. De plus, même si la ville s'avère être le terrain de jeu privilégié des véhicules électriques, notre Fluence reste très à l'aise sur le réseau secondaire, et même sur autoroute, où les reprises demeurent suffisamment vigoureuses. Le confort demeure alors très bon, même si l'amortissement se montre plus sec que sur son équivalent thermique.
L'un des seuls reproches que l'on puisse lui faire concerne le train avant, régulièrement débordé par les évènements. Cela est à mettre sur le compte du couple disponible instantanément sur les seules roues avant, mais aussi sur le fait que ce train avant se trouve quelque peu délesté par rapport à la version thermique à cause du surplus de poids à l'arrière. Ainsi, notre Fluence ne sait plus vraiment où donner de la tête si on a le malheur d'avoir le pied trop lourd en plein virage. Mais là encore, il faut garder à l'esprit que même si elle se révèle amusante, la Fluence Z.E. n'a pas pour but de rivaliser avec une Mégane RS. Il n'empêche qu'elle a beau être totalement électrique, elle n'en est pas moins une vraie voiture. On est donc très loin du préjugé récurrent sur les véhicules électriques qui tend à les assimiler à des "voitures de golf".
Bon, parlons maintenant du sujet qui fâche. Renault annonce une autonomie de 185 km en cycle mixte, c'est à dire avec une conduite des plus souples et sans climatisation. Mais la marque admet aussi que cette autonomie peut chuter à... 80 km en "conditions extrêmes", par exemple si la température extérieure est très forte, que la climatisation est à fond et que l'on est en permanence "pied au plancher". Dans tous les cas, il faut bien intégrer qu'une voiture électrique ne peut remplacer son homologue thermique sur tous les terrains et qu'elle reste essentiellement destinée aux courts trajets quotidiens. Durant notre essai, nous sommes passés par un ensemble de conditions de circulation relativement varié (ville, bouchons, autoroute et nationale) et avons parcouru plus de 60 km en utilisant environ la moitié de la batterie. Ce qui nous ramène à une autonomie proche de 130 km pour quelqu'un qui n'adopterait pas forcément l'éco-conduite.
Enfin, le deuxième point négatif concerne le très faible développement actuel du réseau de bornes de recharge, l'électrique ne s'adresse pas vraiment à tout le monde. On pense notamment aux gens qui, habitant en plein centre-ville dans un logement collectif, auront de grosses difficultés (pour le moment), à recharger leur voiture pendant la nuit. Reste que les objectifs de Renault restent pour l'heure assez modestes (réalistes, en fait), avec 30% de la production pour les particuliers, le reste aux flottes.
Autant le dire franchement, nous partions pour cet essai avec de nombreux doutes, dans l'idée de découvrir un véhicule plutôt "exotique" et aux prétentions commerciales un peu trop ambitieuses. Nous en sommes repartis avec la sensation d'avoir essayé un véhicule abouti, offrant des sensations de conduite inédites et dont le succès commercial ne semble pas si incertain. Cette Fluence Z.E. est à même de répondre aux besoins d'une clientèle péri-urbaine avertie, c'est à dire consciente des limites de l'électrique. Et si on ne cherche pas absolument à la comparer à une voiture thermique, on se rend compte que cette auto est pleine de qualités. Ainsi, Renault souhaite devenir le leader de la voiture électrique et semble bien parti pour y arriver. Bien parti, pas encore arrivé.