Une action collective contre Renault est lancée; inscription jusu'au 8 mars 2022
Citation:Publié le 10 janvier 2022 à 13:10. Mis à jour le 11 janvier 2022 à 17:09.par Johann Leblanc
Moteur 1.2 TCe. Une action collective bientôt lancée contre Renault
En matière de fiabilité automobile, l'action collective est un recours encore rarement employé en France. Mais Renault va bientôt essuyer les plâtres en raison des problèmes de surconsommation d'huile du moteur 1.2 TCe, qui ont engendré de nombreuses casses pas toujours bien indemnisées.
[Mis à jour le 11/01/2022] Si vous êtes un fidèle lecteur de L’argus, vous avez déjà entendu parler des problèmes de fiabilité du 1.2 TCe Renault. Vous savez probablement que ce petit moteur quatre-cylindres turbo essence, employé sur de nombreux modèles entre 2012 et 2016, est sujet à une surconsommation d’huile qui peut conduire jusqu’à la casse. Un défaut que le constructeur français est fréquemment accusé de minimiser, malgré une mise en demeure de l’association de consommateurs UFC Que Choisir en 2019. Mais aujourd’hui, c’est un autre type de défense, sur le plan judiciaire cette fois, qui est en train de se mettre en place. Quatre avocats veulent, en effet, lancer une action collective pour aider les propriétaires à être mieux indemnisés.
Inscriptions ouvertes jusqu'au 8 mars 2022
De nombreux modèles Renault sont équipés de ce 1.2 TCe : Clio 4, Captur 2, Mégane et Scénic 3, Kangoo 2 et Kadjar.
On retrouvait aussi ce moteur à problème chez Dacia sur la première génération du Duster, ainsi que sur le monospace Lodgy et le Dokker.
Outre de nombreuses Renault, ce défaut concerne des Dacia Duster, Lodgy et Dokker, des Nissan Juke, Pulsar et Qashqai 2, ainsi que certains fourgons et ludospaces Mercedes Citan, cousins du Kangoo. En contrepartie, pour participer, il faudra s’inscrire avant le 8 mars prochain sur Internet et verser 159 à 519 € pour rejoindre la procédure pénale qui se déroulera en deux phases : d’abord un « référé probatoire », qui est assez rapide (environ trois mois), puis une « citation directe », qui demande davantage de temps, même si l'objectif reste d'éviter des démarches qui s'éternisent de longues années. Ceux qui ont des revenus modestes pourront toutefois bénéficier d’une aide juridictionnelle de la part du ministère de la Justice, tandis que d’autres pourront faire appel à leur protection juridique pour obtenir une prise en charge. Une fois la période d'inscription terminée, une mise en demeure sera envoyée au groupe Renault-Nissan-Dacia. Ce dernier aura alors quinze jours pour y répondre de manière favorable en optant pour une négociation à l’amiable. Dans le cas contraire, le référé probatoire devant le tribunal judiciaire sera enclenché, et devrait permettre d'obtenir l'accès à des documents jusqu'ici classés confidentiels.
Une accusation de mise en danger de la vie d'autrui
D'innombrables cas de casse moteur ont été recensés sur ce quatre-cylindres turbo essence, d'autant qu'il peut aussi être victime d'une fusion des soupapes à la suite d'un phénomène d'encrassement.
Avocat au barreau de Paris et docteur en droit, Christophe Lèguevaques est déjà bien rodé à ce genre d’action collective. À travers sa plate-forme numérique MyLeo, il en mène plusieurs de front, notamment une contre Volkswagen dans le cadre du dieselgate. Il vise ici un objectif de 250 inscriptions minimum, bien loin des 107 000 Renault qui seraient potentiellement concernées en France d'après une note interne obtenue par L'argus. S’il a privilégié le pénal au civil dans le cadre de ce « motorgate », c’est pour éviter de se voir opposer des questions de prescription (prescription qui intervient cinq ans après la mise en service du véhicule dans ce type de dossier) et parce « ça passait nécessairement par une expertise individuelle. Donc c’était très difficile en prenant la voie civile d’offrir une approche collective globale du problème. C’est d’ailleurs ce que fait Renault : la marque balade les gens en les séparant les uns des autres afin d'être sûre de pouvoir les emmener là où elle veut ». Outre les faits de « tromperie » pour avoir vendu, notamment d’occasion, des véhicules qui présentaient un défaut de conception bien connu sans en avertir le client, l’homme de loi compte notamment plaider une « mise en danger de la vie d’autrui ».
“L'avocat affirme avoir eu beaucoup de témoignages de gens à qui il est arrivé une casse moteur sur autoroute alors qu’ils étaient à 130 km/h, en train de doubler, et soudain se sont retrouvés avec un véhicule qui avait du mal à dépasser les 50 km/h, ce qui était extrêmement dangereux parce qu’ils se sont souvent retrouvés pris en sandwich entre un camion devant et un camion derrière.“
Des défauts connus depuis longtemps
L'argus a évoqué depuis longtemps les divers problèmes de conception de ce quatre-cylindres 1.2 TCe.
Le manque d’huile a parfois pu engendrer des casses soudaines de chaîne de distribution, en générant une vibration du décaleur d’arbre à cames et en provoquant un allongement de la chaîne jusqu’à sa rupture. Comme L’argus l’a plusieurs fois évoqué, c’est une faible pression dans le collecteur d’admission qui, conjuguée à une forte dépression dans le cylindre, entraîne un manque d’étanchéité au niveau du deuxième segment des pistons et cause la surconsommation en lubrifiant. Comme sur le 1.2 PureTech PSA et d’autres mécaniques à injection directe, un phénomène d'accumulation de calamine peut aussi finir par faire « fondre les soupapes » par auto-inflammation.
Jamais de campagne de rappel officielle
L'action collective pourra aussi concerner certains propriétaires de Nissan Juke 1, Qashqai 2 et Pulsar animés par ce 1.2 TCe, baptisé 1.2 DIG-T chez le constructeur japonais...
... voire des détenteurs de Mercedes Citan, même si ce proche cousin du Kangoo est resté rare en France, a fortiori en essence.
Malheureusement, aucun rappel officiel n’a jamais été demandé par les autorités, car elles ont considéré que ces défauts de conception aujourd’hui bien connus ne posaient pas de réels problèmes de sécurité. Pour Christophe Lèguevaques, le fait que l'Etat français soit aussi actionnaire de Renault pourrait d'ailleurs ne pas être totalement étranger à cette décision. Mais si l’action collective va jusqu’au terme de sa seconde phase, elle compte demander bien plus qu’une simple prise en charge partielle des frais de réparation ; une participation déjà consentie assez régulièrement par Renault, même s’il a fallu lourdement insister pour cela. Une indemnisation du « préjudice moral » sera aussi réclamée « en raison de la désorganisation subie par la perte de votre véhicule, de la peur ressentie lors de l’incident ou de l’anxiété que vous éprouvez à présent que vous savez que votre véhicule présente des dangers intrinsèques », précise le site officiel de l’action. Une ouverture de cette action aux consommateurs du reste de l'Union Européenne pourrait aussi être envisagée à partir de l'automne, tandis qu'une autre plainte collective a déjà été lancée en Israël il y a quelques temps contre l'importateur local, Carasso Motors, pour les problèmes de ce même 1.2 TCe.