Citation:Le garagiste n’est pas tenu de trouver l’origine de la panne
Le 23 novembre 2009, Christophe M. achète une voiture d’occasion Ford Focus, présentant 89 000 km au compteur, pour la somme de 7 000 euros, auprès de la société Garage Audier de Chartres (Eure-et-Loir). En juin 2011, il constate que la voiture ne redémarre pas lorsqu’elle a été exposée au soleil.
Christophe M. demande au garage de la réparer. Le garagiste remplace le capteur de « l’arbre à cames », moyennant la somme de 225 euros. Néanmoins, la voiture continue à ne pas démarrer lorsqu’il fait chaud. Le garagiste procède alors au remplacement de la batterie, moyennant la somme de 135 euros. Sans plus d’effet.
Nature électronique
Le 27 décembre 2012, l’assureur protection de juridique de Christophe M. envoie un expert amiable, qui estime que « le défaut est très difficile à résoudre en raison de sa nature électronique »; il émet l’hypothèse que les pannes pourraient provenir d’un défaut du tableau de bord, et conseille de remplacer celui-ci, ce qui coûterait quelque 850 euros.
Que se passe-t-il ensuite ? Christophe M. assure qu’il demande au garagiste de faire ce travail, mais il semble qu’il écrive seulement à l’expert ou à l’assurance. Le garagiste conteste que le client lui donne cet ordre, en acceptant d’en régler le coût. Il n’intervient plus.
Obligation de résultat
Le 2 mai 2013, Christophe M. assigne le garage, devant le tribunal de grande instance de Chartres, en demandant qu’il soit condamné sous astreinte à réparer le véhicule. Il soutient que le garagiste a, en vertu de l’article 1147 du code civil, une « obligation de résultat », qui consiste à trouver l’origine de la panne, et à restituer un véhicule en état de marche.
Il estime qu’il n’y a pas satisfait, puisque ses deux réparations n’ont pas eu d’effet, et que le véhicule ne redémarre toujours pas lorsqu’il est exposé à de fortes températures.
Prouver que le garage a mal réparé
Le tribunal nomme un expert, auquel il confie notamment (et étonnamment) la mission de dire si les causes du défaut observé sur le véhicule sont imputables aux interventions du garagiste – alors même que Christophe M. n’a jamais formulé un tel reproche.
L’expert judiciaire, qui remet son rapport le 5 septembre 2015, répond que les interventions du garage ont été réalisées « dans les règles de l’art ». Il précise que le remplacement de l’arbre à cames, de son capteur et de la batterie étaient nécessaires pour trouver un remède aux pannes. Il préconise, comme l’expert amiable, le remplacement du combiné du tableau de bord (965 euros) puis, éventuellement, celui du calculateur (1686 euros), tout en émettant des réserves sur la remise en service du véhicule, compte tenu de sa vétusté.
Cause inconnue
Le tribunal, qui statue le 27 avril 2016, admet que « le garagiste réparateur est tenu à l’obligation de résultat », c’est-à-dire à « la restitution en état de marche du véhicule ». Mais aussi que, « pour que la responsabilité de la société soit engagée, Christophe M. doit prouver non pas que le véhicule n’a pas été réparé par elle, mais que le défaut de son véhicule trouve son origine dans l’intervention du garagiste, ou qu’il n’a pas été réparé par lui alors qu’il était décelable ».
Or, juge-t-il, d’une part, les pannes « n’ont pas pour origine l’intervention de la société Garage Audier » puisqu’elles ont été faites dans les règles de l’art; d’autre part, « les causes du défaut n’étaient pas décelables par la société lors de ses interventions ». Le tribunal considère en effet que si les experts n’ont pas été « capables d’identifier l’origine du défaut », et qu’ils n’ont pu qu’émettre l’hypothèse que celui-ci provenait du tableau de bord, le garagiste ne pouvait pas faire mieux. Il conclut que le garage n’« a pas méconnu son obligation de résultat », à ces deux titres.
Responsabilité limitée
L’avocat de Christophe M. fait appel, en protestant que le tribunal aurait dû juger que le garagiste n’avait pas rempli son obligation de résultat tant qu’il n’avait pas trouvé l’origine de la panne et qu’il ne l’avait pas réparée.
Or, la cour d’appel de Versailles confirme le jugement, le 15 juin 2017 : « La responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat. » Elle condamne même Christophe M. à payer au garage des frais de gardiennage.
Nouvelle jurisprudence
Christophe M. se pourvoit en cassation. La rapporteure de la Cour de cassation, qui examine son recours, admet qu’« une jurisprudence constante fait peser sur le garagiste une obligation de résultat »: il est « contractuellement tenu de restituer le véhicule en état de marche ».
Mais elle ajoute qu’« une jurisprudence plus récente considère que la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste ne s’étend qu’aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat, de sorte qu’il appartient à celui qui recherche la responsabilité du garagiste à la suite d’une réparation et d’une nouvelle panne, de rapporter la preuve que l’origine de la panne est due à une défectuosité déjà existante au jour de son intervention ou qu’elle est reliée à celle-ci ».
Selon la rapporteure, « il résulte de ces éléments que les juges du fond pouvaient rejeter les demandes de Christophe M. en retenant que le garagiste avait démontré ne pas avoir commis de faute ». La Cour de cassation rejette le pourvoi, le 21 novembre (2018).
Pourtant, en l’occurrence, il n’y a pas eu « recherche de la responsabilité du garagiste à la suite d’une réparation et d’une nouvelle panne », mais recherche de la responsabilité du garagiste à la suite de l’absence d’identification d’une même panne. La Cour de cassation semble juger que si le garagiste ne peut identifier la panne du véhicule, il peut s’exonérer de sa responsabilité.