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par Gilles Guillaume et Helen Massy-Beresford
PARIS (Reuters) - Renault devra inévitablement se lancer en Chine et aux États-Unis, mission qu'il a choisi jusqu'ici de déléguer à son partenaire Nissan, mais les analystes comprennent que le groupe français se distingue de ses grands concurrents en prenant son temps.
Renault fait figure d'exception en Chine, devenu l'an dernier le premier marché automobile mondial devant les États-Unis, puisque General Motors , Mercedes-Benz, Toyota ou encore PSA produisent déjà sur place via des coentreprises avec des sociétés chinoises.
"En Chine, nous sommes déjà en retard", a déclaré à Reuters une source au sein de Renault, ajoutant que le groupe au losange a également vocation à retourner aux États-Unis via un partenariat, vraisemblablement avec General Motors .
"Il est vrai que l'heure tourne", estime Carlos Da Silva, analyste chez IHS Global Insight. "Mais il est vrai aussi qu'aujourd'hui, se hâter d'aller en Chine sans aucune préparation serait pire que d'attendre le moment propice."
"La Chine demeure à ce jour un marché très risqué pour les constructeurs de masse", renchérit Kristina Church, analyste chez Barclays Capital. "Renault va probablement attendre de connaître l'évolution de la situation sur place au cours des douze prochains mois, pour voir s'il y a par exemple des problèmes de capacités de production."
La voiture électrique, domaine dans lequel Renault prépare une vaste offensive en Europe à partir de 2011-2012, offrirait un créneau parfait pour implanter la marque au losange sans concurrencer frontalement les produits du partenaire Nissan.
"Ils sont vraiment en tête dans la course à l'électrique. Si la Chine doit devenir un grand marché pour ce type de véhicules, la décision de Renault d'aller en Chine pourrait s'en trouver accélérée", explique Carlos Da Silva.
"La Chine va devenir le plus important marché pour la voiture électrique et, vu ses investissements, Renault-Nissan sera un acteur majeur sur ce segment", déclare même David Arnold, analyste chez Credit Suisse.
Lundi, le PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, ne s'est pas départi de son habituelle prudence. Il a dit simplement que Renault n'avait pas l'intention de démarrer sa propre production en Chine, mais qu'il pourrait rallier la coentreprise actuelle entre Nissan et le chinois Dongfeng.
EXORCISER L'ÉCHEC AMÉRICAIN DES ANNÉES 1980
Sur l'autre grand marché automobile mondial, les États-Unis, redevenus attractifs après leur plongeon vertigineux de 2008-2009, Renault a longtemps été échaudé par son échec des années 1980, lorsqu'il avait repris American Motors Corporation (AMC), propriétaire de la célèbre marque Jeep.
Ces années américaines resteront marquées par la production de l'Alliance, dérivée de la Renault 9, puis de l'Encore, basée sur la Renault 11. Mais confrontés à de graves difficultés financières, Renault a dû jeter l'éponge en 1987 et céder ses parts à Chrysler.
Trente ans plus tard, un retour aux États-Unis est redevenu d'actualité. Une source proche du dossier a indiqué à Reuters que Carlos Ghosn recherchait un partenaire nord-américain, mais qu'aux yeux du PDG une alliance en capital ne pouvait venir qu'après la mise en place d'un partenariat commercial solide.
C'est pour cette raison, ajoute la source, que Carlos Ghosn a déclaré lundi qu'il ne comptait pas acheter des actions General Motors lors du prochain retour en Bourse du géant de Detroit, alors que cette introduction aurait pu constituer une occasion d'entrer au capital de GM.
"Si le groupe veut devenir un acteur mondial, il est certain qu'il lui faut être présent aux États-Unis, en Chine, partout en fait", résume Carlos da Silva. "Mais se lancer uniquement pour la beauté du geste n'est pas un argument suffisant pour une entreprise."
Renault et General Motors ont déjà discuté en 2006 d'un projet visant à renforcer leur partenariat, limité à ce jour aux véhicules utilitaires, mais les négociations n'ont pas abouti. Fin 2008, au plus fort de la crise automobile, Renault-Nissan a également eu des discussions avec Chrysler, mais ce dernier a fini dans l'escarcelle de Fiat.