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Villeneuve, l'erreur de casting
Recruté pour permettre à Renault de battre BAR-Honda dans la course à la deuxième place du championnat constructeur, Jacques Villeneuve a échoué lors de ses deux premières sorties. De quoi donner encore plus de regrets à Franck Montagny, lâchement oublié par le constructeur français.
Ecrivez à l'auteur !par Guillaume Serres
Panoramic
Villeneuve largué
«Villeneuve, c’est le passé.» C’est ainsi qu’avait été accueilli par Franck Montagny la nomination du Canadien Jacques Villeneuve en lieu et place de Jarno Trulli. Nomination d’ailleurs apprise dans la presse et non pas de la part de son employeur, exemple ultime de la défiance du management de Renault envers son pilote essayeur. Deux courses après ce rocambolesque épisode interne, le jeune troisième pilote Renault se voit conforté dans sa réflexion. Jacques Villeneuve, champion du monde 1997, n’a pas réussi à engranger le moindre point en deux courses. Pis même, le Québécois avoue être aujourd’hui dépassé par la Formule 1 version 2004. Petit tour d’horizon des différents paramètres qui auraient dû pousser Flavio Briatore à privilégier une solution interne.
Premièrement, Jacques Villeneuve n’est pas au niveau physiquement. Ecarté manu militari par son ancien employeur BAR-Honda en fin de saison 2003, le Canadien n’a plus foulé les circuits depuis. Deux jours (seulement) d’essais avant de reprendre en Chine, et Villeneuve n’a évidemment pas tenu le choc. «J’étais fatigué» lâchait-il au sortir du néo-grand prix asiatique, puis «cela fait des longues journées, c’est assez exigeant en terme de concentration» lors de la journée du dimanche à Suzuka. Deuxièmement, l’ancien pilote Williams n’est plus au fait de la Formule 1 actuelle. Avec des changements de règlements à profusion, une année sans piloter revient à tout reprendre de zéro. La qualification sur un tour exige une mise au point parfaite de la voiture. Et les stratégies de course, probablement l’élément le plus déterminant des paddocks actuels, lui échappent également : «Honnêtement, il m'a fallu trop de temps pour trouver le rythme en début de course», preuve de la non «mise à jour» du pilote avec les nouvelles formules de course. Car la Formule 1 se joue désormais dès les premiers tours. Enfin, Villeneuve a tout à apprendre d’une voiture qu’il découvre de A à Z. Alors que la bataille était de plus en plus tendue avec son rival au championnat, confier la monoplace à un novice de la R24 revenait à compromettre sérieusement les chances de triomphe.
Montagny ou la démonstration de l’impuissance française
Le malheureux Franck Montagny n’a donc plus qu’à ruminer dans son coin la décision de ses employeurs de ne pas lui faire confiance. Troisième pilote depuis le début de la saison, l’homme qui a développé la monoplace n’a pas eu le droit de prouver sa valeur en course. Pourtant auteur de temps comparables avec les deux pilotes officiels, Montagny n’a pas reçu l’appui suffisant pour intégrer l’équipe bleue. Sa connaissance de l’équipe, de la voiture, son niveau physique et son envie de démontrer son niveau auraient pourtant dû lui permettre de piloter dès la Chine. L’argument de Renault selon lequel le pilote ne connaissait pas assez les circuits, on le voit, n’a même pas tenu le temps d’une course. Aujourd’hui, il est bien plus important de connaître les réglages d’une monoplace que les circuits. Preuve en est le niveau d’Anthony Davidson, troisième pilote BAR-Honda, jeune débutant mais classé parmi les meilleurs tous les vendredis de week-end de courses. Un pilote met, grosso modo, vingt tours à comprendre un circuit. Il en met beaucoup plus à maîtriser une machine aussi complexe qu’une Formule 1. A Suzuka, sans essais préalables pour cause d’intempéries, l’expérience du circuit de Villeneuve a montré ses limites, le Canadien se classant dixième.
Un coup marketing qui pourrait coûter cher
La décision de placer Jacques Villeneuve dans le baquet de la R24 s’avère donc, avec du recul, n’être qu’uniquement un coup marketing. Charismatique au possible, adoré au Japon et réputé au Brésil, la venue du Canadien chez Renault aura avant tout servi les intérêts économiques de la firme au losange. Mais la sentence pourrait être sévère pour l’équipe de Viry-Châtillon. Car même si Villeneuve n’aura pas assez de temps pour apprendre le comportement global de sa monture, le futur pilote Sauber aura sûrement retenu quelques secrets de fabrication. Dans une discipline où la discrétion est reine, le transfert de savoirs de Renault à Ferrari, via Sauber l’écurie satellite de la Scuderia, devrait aller vite. Et même si en fonction de l’évolution du règlement du futur championnat, tout ne pourra être exploitable, il est légitime de penser que Villeneuve aura, dès son arrivée chez les Suisses, un tête à tête fructueux avec les ingénieurs adverses. Bref, Renault s’est complètement loupé. Mais la première erreur n’a-t-elle pas été de licencier Trulli ?
100% d'acord