Renault-Nissan a-t-il surpayé pour prendre le volant de Lada ?
Les autorités de la concurrence russes ont accepté le rachat du premier constructeur russe. Une transaction très onéreuse (750 millions de dolars) pour l'Alliance franco-japonaise... alors que AvtoVAZ est valorisé moins de 1 milliard de dollars. L'actionnaire russe entend conserver par alternance la direction du conseil d'administration.
Pour 750 millions de dollars, l'alliance Renault-Nissan va prendre le contrôle du premier constructeur automobile russe Avtovaz en portant sa participation de 25 % à 50 % à travers un montage financier complexe, qui sera définitivement entériné en décembre. Avec son coactionnaire russe, le holding d'Etat Rostekhnologui, le groupe franco-japonais a formé une coentreprise dont le capital est détenu en majorité par Renault-Nissan (67,1 %). La coentreprise détient à son tour 75 % du capital d'AvtoVAZ. Soit 50 % directement plus une action pour l'Alliance et 25 % à Rostekhnologui. Le solde est coté sur la bourse moscovite.
AvtoVAZ valorisé à 915 millions de dollars
Une transaction chère payée pour les acteurs financiers qui évaluent la valorisation d'AvtoVAZ de façon très inférieure à celle de l'alliance.Soit 915 millions de dollars pour 100 % du constructeur. Renault a déjà payé 1 milliard de dollars pour entrer à hauteur de 25 % d'Avtovaz en 2008. La transaction effectuée par Renault-Nissan donne lieu à des appréciations très diverses. Dans un entretien accordé au quotidien "Kommersant", le PDG de Rostekhnologui Sergueï Tchemezov, assurait que le prix payé par l'alliance "est un secret commercial" et "la somme finale peut encore changer". La porte-parole de Renault en Russie, Olga Nzarova, expliquait vendredi à latribune.fr au contraire que la somme "a été fixée le 3 mai dernier et ne bougera plus". Selon elle, la valorisation en bourse "ne reflète pas la vraie valeur d'Avtovaz", soulignant que Rostekhnologui y installait des nouvelles technologies.
La Russie a investi 2,5 milliards de dollars dans AvtoVAZ
L'expert automobile Andreï Chenk s'accorde à dire que le marché sous-évalue le constructeur russe. Selon lui, la valeur d'un paquet de 50 % dans AvtoVAZ est comprise entre 640 et 770 millions de dollars. "Plus 15 à 20 % de prime pour la prise de contrôle, c'est la pratique habituelle. On reste quand même loin en dessous du total payé par l'alliance (1,75 milliards de dollars ou 1,36 milliards d'euros). A l'opposé, une bonne partie de la blogosphère russe rugit contre le fait que des étrangers saisissent le contrôle d'un groupe industriel emblématique dans lequel le gouvernement a injecté 2,5 milliards de dollars ces cinq dernières années. Rostekhnologui a d'ailleurs accepté d'éponger le 3 mai dernier les 1,8 milliards de dette d'Avtovaz.
Une présidence par alternance ?
Les incertitudes ne s'arrêtent pas là. Sergueï Tchemezov affirme que Carlos Ghosn (PDG de l'alliance), et lui vont par alternance d'un an présider le conseil d'administration. Chez Renault Russie, on voit les choses autrement : "nous aurons le contrôle, donc c'est logique que M. Ghosn soit président", explique Olga Nazarova, qui précise que tout cela sera décidé lors de la prochaine assemblée générale. Quant à l'intention de Sergueï Tchemezov de procéder à un placement boursier d'Avtovaz "dès que nous en aurons fait un produit intéressant pour les investisseurs", Olga Nazarova refuse tout simplement d'y croire et ajoute qu'il s'agit "d'un malentendu". Il est vrai que dans l'entretien, le PDG de Rostekhnologui évoque une "introduction en bourse" alors que celle-ci a déjà eu lieu... en 2007. "Tchemezov a du se mélanger les pinceaux. Il voulait certainement dire : placement secondaire", rectifie Andreï Chenk. Proche de Vladimir Poutine, le patron de Rostekhnologui a certainement les reins solides. Mais il n'est pas pour autant rassurant.