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Renault - Fiat: un projet de fusion avorté (2019)

Le 28 mars 2019 le très sérieux Financial Times annonce un possible rapprochement entre l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi et le groupe Fiat-Chrysler qui chercherait très activement un partenaire. Le projet sera définitivement abandonné à l'été.
Par le 26/09/2019 Dernière mise à jour le 14/02/2022

Le groupe Fiat-Chrysler à la recherche d’un partenaire

Un tel rapprochement ferait du nouveau groupe un géant mondial, Renault-Nissan-Mitsubishi étant déjà le leader du secteur automobile. Fiat malgré sa myriade de marques (Fiat, Chrysler, Alfa Romeo,…) a réussi ces dernières années à se relever, mais reste dans une position trop fragile pour espérer perdurer « seul ».

C’est pourquoi, du côté de l’Italie, ce n’est plus un secret, le groupe Fiat (FCA Group) cherche officiellement un partenaire. Son PDG John Elkann a ainsi rencontré l’Alliance Renault-Nissan avec qui des liens existent déjà pour la production d’utilitaires, mais aussi PSA qui, avec sa taille plus réduite, pourrait proposer de meilleures conditions au groupe italien.

Beaucoup de questions restent en suspend, et notamment les conditions proposées par les deux entités. Sans oublier la position de Nissan quant à un éventuel rapprochement.

Car entre un rachat, une alliance ou encore une fusion, la donne n’est pas totalement la même. Qui contrôlerait la nouvelle entité ? En tout état de cause, si Nissan fait partie du deal, c’est le camp français qui devrait avoir la main. Encore faut-il que Nissan, plutôt soucieux de redevenir indépendant vis à vis du camp français et donc, de l’Europe, accepte une telle proposition.

Renault, un bon choix pour Fiat ?

Pour Fiat, Renault est un bon candidat. D’une part, malgré les difficultés récentes avec Nissan, le groupe a prouvé sa capacité à intégrer de nombreuses marques (RSM, Lada, Dacia sans oublier ses alliés nippons). La marque dispose en outre de technologies que ne possèdent pas ou peu Fiat,  notamment sur les véhicules électriques. Avec l’Alliance, Renault dispose également d’un solide ancrage en Asie, tout comme en Amérique.

Les marques des deux groupes restent concurrentes en Europe, mais cette concurrence permettrait également d’importantes économies d’échelle: plateformes communes, moteurs communs, technologies communes sans oublier les fonctions support, d’achat ou de logistique. Des synergies qui représenteraient 5 milliards d’euros à court terme.

Pour Renault, le groupe disposerait enfin d’un vrai pied en Amérique via Chrysler ou Jeep, cette dernière étant bien connue du groupe puisque Renault n’est autre que l’ancien propriétaire de la marque américaine.

Actuellement, l’Alliance est très présente aux USA, mais uniquement via Nissan qui reste un « simple » allié, comme l'a prouvé les derniers évènements.

Une fusion entre Nissan et Renault

En pleine tempête médiatique et judiciaire suite à ce que l'on appelle désormais l'affaire Ghosn, le Financial Times annonce donc que Renault et Fiat aurait comme projet commun un potentiel rapprochement capitalistique.

Cependant, avant de penser lorgner du côté de l’Italie, l’Alliance aurait pour projet de fusionner. Un projet validé par l’État français et porté par Carlos Ghosn jusqu’à… son arrestation en novembre dernier. Pourtant, du côté de chez Nissan, cette idée de fusion a été à de maintes reprises repoussé. Un tel retournement de situation serait donc pour le moins étonnant.

Pour autant, d’après le Financial Times, un tel projet serait pourtant voué à se réaliser d’ici 12 mois seulement. Sans trop de surprise, l’information a été totalement démentie du côté du constructeur français. Mais une source proche du dossier a indiqué que C.Ghosn avait déjà envisagé un tel projet en 2015 avant finalement de faire machine arrière suite au refus de son actionnaire principal, l’État français. L’idée n’est donc pas nouvelle

27 mai 2019: Renault confirme les rumeurs

Le groupe Renault (hors Nissan et Mitsubishi) a confirmé le 27 mai 2019 avoir reçu une lettre d’intention cette nuit au sujet d’une éventuelle fusion avec le groupe automobile FCA (Fiat Chrysler).

Bien que PSA semblait mieux tenir la corde, c’est donc finalement le groupe Renault qui pourrait être privilégié pour fusionner avec le groupe propriétaire des marques Fiat, Chrysler, Alfa Romeo, Jeep, mais aussi Iveco sur la partie industrielle a qui Renault a revendue son activité autobus au début des années 2000 suite à la fusion de Renault Trucks avec Volvo.

Une fusion à 50/50 entre Fiat et Renault pour créer un géant de l’automobile

Pour solidifier leur union, Fiat et Renault se seraient mis d’accord pour faire une vraie fusion, et non un simple échange capitalistique comme c’est actuellement le cas avec Nissan. Une nouvelle entité serait ainsi créée, chose que veut également faire avec Nissan.

Dans l’histoire, Renault -qui jusque-là était un peu le David face à Goliath- gagnerait clairement du poids face à ses alliés nippons.   

L’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est actuellement le premier groupe mondial dans le secteur de l’automobile avec plus de 10 millions de véhicules vendus, devant Toyota et l’allemand Volkswagen. En s’associant avec Fiat, le nouveau groupe deviendrait un géant pesant 15 millions de véhicules par an dans le monde, loin devant les poursuivants. Hors Alliance, Renault-Fiat représenterait 8,7 millions de véhicules immatriculés en 2018, pour un total de 170 milliards d’euros, ce qui en ferait le troisième constructeur mondial.

La nouvelle holding implantée aux Pays-Bas, Renault un constructeur de moins en moins français ?

Une nouvelle fois, la holding serait implantée aux Pays-Bas, détenue à 50% par chaque entité. Les actionnaires majoritaires seraient alors la famille Agnelli (propriétaire de Fiat) à 14,5%, l’Etat français (7,5% des parts contre 15%), ainsi que Nissan avec 7,5% également.

En divisant par deux les parts de l’Etat, ce dernier perdrait de facto ses droits de vote double, LE sujet de discorde entre Renault et Nissan. Mais surtout, la famille Agnelli deviendrait de facto un acteur proéminant dans la direction des constructeurs. Et à ce jeu, le président du conseil d’administration de la holding pourrait bien être l’actuel président d’Exor (qui gère les intérêts de la famille Agnelli).

Une hypothétique fusion avec Nissan permettrait cependant de rabattre les cartes.

Juin 2019: Renault et Fiat annonce la fin des discussions

Coup de théâtre le 6 juin vers midi dans le secteur de l’automobile. Alors que tout semblait bien parti pour qu’une fusion entre Renault et le groupe Fiat (FCA) se réalise, le mariage n’aura finalement pas lieu. Du moins, pas aux conditions fixées par FCA.

Le 27 mai dernier, les deux protagonistes avaient annoncé étudier l’idée d’un rapprochement, ou plutôt d’une fusion entre Fiat-Chrysler et le groupe Renault. A l’issue du conseil d’administration de Renault, ce dernier confirmait bien vouloir étudier la proposition.

L’Etat français, actionnaire majoritaire de Renault à hauteur de 15% du capital, avait également clamé que cette fusion avait du sens, et qu’il validait ce projet, non sans demander certaines garanties.

Pourtant, alors que la veille un communiqué de presse du groupe Renault avait fait état d’avoir bien avancé sur le dossier, mais que certains points restaient encore à traiter, quelques heures plus tards, la décision a été prise d’arrêter les négociations à l’issue du dernier conseil d’administration de mercredi soir qui n’a visiblement pas permis d’accéder à un compromis.

Ces points concernaient notamment le poids de la France dans le nouvel ensemble, ainsi que la valorisation de Renault, actuellement largement sous-cotée suite à l’affaire de l'arrestation de Carlos Ghosn.

La CGT se prononce contre ce rapprochement, l’Etat demande du temps, Fiat retire son offre

Selon Liberation, lors du vote, la CGT via son représentant, s'est prononcé contre, alors que les autres administrateurs se prononcent pour. Les représentants de l’Etat demandent quant à eux un délai supplémentaire pour avancer sur ce sujet avec Nissan, ce dernier s’étant malgré tout prononcé plutôt en faveur du projet. Bien que contre ce potentiel report, Jean-Dominique Senard a prévenu son homologue chez Fiat, qui a refusé toute idée de report et a décidé en conséquence de retirer l’offre.

Un mal pour un bien pour Renault ?

Certes, une fois de plus, la position de l’Etat a compliqué le dossier. On se rappelle que lors du rachat de Mitsubishi par Nissan, C.Ghosn n’avait pas inclus Renault dans l’opération, de peur que l’Etat ne vienne faire capoter le dossier.

Pour autant, la situation de Renault, ne requiert pas qu’il s’allie avec un autre groupe. Fort de son alliance –certes fragilisée- avec Nissan, le constructeur français a son avenir devant lui.  Avec plus de 10 millions de véhicules vendus ensemble, l’Alliance se positionne comme le leader mondial de l’automobile.

La fusion avec Fiat aurait surtout présenté le risque de faire perdre la main aux français, car même si la fusion prévue étaitde 50/50, la présidence du nouvel ensemble aurait bien été de l’autre côté des Alpes, l’actuel président de Fiat étant pressenti pour prendre le poste.

Pourtant, dans l’histoire, le vendeur, c’est bien le groupe FCA. Face à d’importantes difficultés financières et en retard technologique sur ses concurrents, le groupe Fiat est bien le vendeur et celui qui était demandeur du rapprochement.

Mais FCA a dans sa manche un autre partenaire potentiel, PSA, qui était jusqu’alors pressenti comme le favori.

Août 2019: de nouvelles discussions potentiellement en cours

Bien que le contact n’ait jamais été réellement rompu entre les deux groupes, selon la presse italienne, de nouvelles discussions auraient reprises de façon plus formelle. A la publication de l’information hier, les marchés boursiers n’ont pas tardé à réagir, les actions de Fiat et Renault s’envolant respectivement de 4 et 5% avant de retomber à 3 et 3,7% en fin de journée.

Beaucoup de médias avancent également l’idée que pour contenter son allié Nissan qui a émis quelques craintes quant à cette fusion, Renault pourrait diminuer sa participation dans le constructeur japonais, passant de 43% actuellement à 30%.

Septembre 2019: le projet définitivement abandonné

Le président de Renault Jean-Dominique Senard ainsi que le directeur général du constructeur français Thierry Bolloré ont ainsi mis les choses au point en stipulant “un projet à l’arrêt” pour le premier tandis que le second a indiqué lors de la présentation du nouveau Captur au Salon de Francfort que les deux groupes ne se parlaient plus.

"Nous ne nous parlons plus l’un avec l’autre, c’est le passé, l’offre était sur la table, elle ne l’est plus".  Thierry Bolloré, Directeur Général de Renault.

Pour autant, dans le monde des affaires, rien n’est totalement enterré. Et ce d’autant plus que les deux dirigeants continuent de vanter les avantages d’une telle fusion, notamment face à la menace des constructeurs chinois, avec qui ils sont malgré tout obligé d’entretenir de bons rapports afin de créer des co-entreprises pour pouvoir vendre leurs produits sur le 1er marché mondial.

« Les voitures chinoises sont au point […]. Elles sont de qualité toute première. Il y a deux ans on en riait encore. Maintenant, on n'en rit plus [...] De grâce, essayons de nous projeter et de comprendre que si nous n'anticipons pas, à travers certains regroupements de nos unités notamment européennes, nous n'aurons que nos yeux pour pleurer dans quelques années » Jean-Dominique Senard, Président de Renault.

Un intérêt industriel qui n'est pas remis en cause

Malgré l'échec des discussions, la position du Président de Renault quant à l'intérêt industriel d'une telle fusion n'est pas remise en cause. C'est plutôt, le montage de l'actionnariat et de la direction de la nouvelle entité qui a pu faire grincer des dents.

En effet, comment expliquer une répartition 50/50 entre Renault et Fiat tout en laissant la direction à l'actuel n°1 de FCA alors que tout le monde s'accorde à dire que Fiat et son conglomérat de marques arrive dans une impasse industrielle. Renault a déjà pris le virage de la prochaine ère automobile, sans oublier que malgré les récentes difficultés, l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi se bat avec Volkswagen et Toyota pour la première place des constructeurs mondiaux. FCA ne peut pas en dire autant.

Priorité à l’Alliance pour Renault

Sans surprise, du côté de chez Renault on se borne à répeter les mêmes choses, à savoir, la volonté de remettre l’Alliance sur de bon rails. La récente démission de Hiroto Saikawa, ex n°2 protégé de C.Ghosn mais pourtant bourreau de ce dernier, prouve que l’affaire est loin d’être gagnée, la faute à la situation difficile de Nissan.

Il faut dire aussi que les résultats financiers et commerciaux du constructeur nippon ces deux dernières années, depuis que C.Ghosn a lâché les rênes, n’ont rien fait pour arranger la situation de l’ancien PDG tombeur de son mentor.

 "La priorité des priorités pour Renault est le redressement de Nissan, tout ce que nous pouvons faire pour aider Nissan à améliorer sa santé sera très important pour nous". Thierry Bolloré. 

Forcément, avec plus de 40% des parts du constructeur nippon, Renault a tout intérêt à voir Nissan reprendre du poil de la bête sur la scène mondiale, tout mettant en place une gouvernance permettant de lui apporter une vraie stabilité.

Décembre 2019: Fiat se tourne défintivement vers PSA

Après la fusion avortée avec Renault, Fiat et Peugeot annoncent mi-décembre 2019 leurs futures fiançailles. Pourtant, comme pour le deal avec Renault, l'accord semble très déséquilibré, Fiat, un groupe moribond récupérant ainsi toutes les technologies de PSA, tandis que ce dernier ne sera plus le réel maître à bord.

Mais alors qui est le grand gagnant dans l'histoire ? Fiat bien sur, mais aussi et surtout les actionnaires, qui au passage encaissent chez FCA un dividende exceptionnel de 5,5 milliards.

Bien que beaucoup d'analystes se posent des questions quant à cet accord, la famille Peugeot, longtemps hostile à des rapprochements, parait pourtant unanime.

Selon La Tribune, elle estime que la présence de BPI France dans son capital lui permettra d'éviter que le groupe FCA via la holding Exor ne mette la main sur le groupe français. BPI prendrait alors le rôle de sécurisé le capital en apportant du capital qui est en théorie destiné à faire des investissements publics.

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