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Nissan vire Ghosn, Lagayette et Bolloré prennent du galon chez Renault

Accusé depuis le début de la semaine de malversations financières et d'abus de bien sociaux, C.Ghosn a, sans surprise, était évincé hier de son poste chez Nissan par le conseil d'administration de ce dernier. Chez Renault un duo le remplace.
Par le 23/11/2018

Ainsi, contrairement à Renault qui a décidé initialement de le maintenir à son poste le temps que la justice nippone avance, Nissan a été plus catégorique. Le sauveur de Nissan a donc été révoqué de son poste de président non exécutif de Nissan, rôle qu'il occupait depuis qu'il avait quitté les rênes du constructeur japonnais il y a quelques mois.

Pour justifier cette décision,  Nissan indique dans son communiqué que ce choix a été dicté par  «des actes graves confirmés», et notamment une « minimisation de ses revenus dans les rapports financiers, une utilisation frauduleuse à des fins personnelles de fonds d’investissement et de notes de frais».

Chez le troisième allié Mitsubishi, au sein duquel Ghosn avait le poste de PDG, la même décision devrait être prise la semaine prochaine.

Des accusations lourdes

Dès mercredi, la garde à vue de C.Ghosn a été prolongée de 10 jours, durée qui pourrait encore augmenter, conformément au droit local, qui permet de conserver un prévenu en prévention si d'autres accusations venaient à lui être adressées.

Les autorités japonaises n'ont pas indiquées si l'ancien PDG de Nissan avait reconnu ou non les faits. Mais les médias locaux commencent à révéler certaines informations qui restent à confirmer bien sur.

C.Ghosn aurait en effet déclaré au fisc japonnais "seulement" 38 millions d’euros au lieu du double notamment en percevant d'une filiale néerlandaise de Nissan 788 000 euros par an de revenus non déclarés et aurait fait financer 6 propriétés de luxe pour un montant de 18,7 millions de dollars à Paris, Amsterdam, ou encore Rio de Janeiro grâce aux finances de Nissan et des sociétés situées dans des paradis fiscaux.

D'autres accusations porteraient sur le détournement de rémunérations de certains autres membres du conseil d'administration de Nissan, ainsi qu'un emploi fictif au profit de sa soeur depuis 2002.

Ces graves accusations peuvent tout de même sembler étonnantes contre quelqu'un qui, selon l'estimation du magazine Capital en 2017, aurait gagné plus de 100 millions d'euros entre 2009 et 2016.

Une détention loin d'être VIP

Depuis lundi, date de son arrestation, C.Ghosn est détenu dans un pénitencier très dur qui "accueille" notamment des condamnés à mort, dans une cellule où il est seul, avec pour seul meuble un lit et peu de possibilité de voir la famille. Quant à l'avocat, seule la police peut le contacter.

La thèse du complot pas écartée

Même si les accusations semblent se fonder sur des faits, la thèse du complot n'est pas à exclure. Depuis quelques mois, Ghosn travaillait sur un projet de fusion entre Renault et Nissan, chose que son ancien n°2, Hiroto Saikawa, et nouveau n°1 depuis son départ ne voulait pas et qui depuis 2015 ne cesse d'être démenti par les uns ou les autres.

Pour autant, en France, le gouvernement refuse de voir un complot.

«Nissan est une société cotée et aurait trop à perdre dans cette histoire si un coup tordu était avéré», a indiqué un haut fonctionnaire de Bercy à Liberation.

Cette affaire étant très sensible, difficile de discerner le vrai du faux. Mais si le complot est peut-être à écarter, celle de la manoeuvre semble évidente.

Un nouveau duo chez Renault

Le conseil d’administration de Renault s’est réuni le 20 novembre afin de remplacer C.Ghosn le temps que la justice japonaise avance.

Le conseil d’administration a ainsi nommé l’administrateur réfèrent Philippe Lagayette au poste de président par intérim de Renault. Il prend ainsi la présidence non exécutive du constructeur.

De son côté, l’actuel N°2 (directeur général adjoint), Thierry Bolloré, appelé initialement à succéder à C.Ghosn, a été promu mandataire social et sera chargé de la direction opérationnelle.

Ces nominations ne le sont qu’à titre temporaire, C.Ghosn conservant tout de même pour le moment son poste de PDG en attendant d’avoir plus d’informations du côté du Japon.

Nissan prendra une décision demain

Chez Nissan, d’où l’affaire est sortie, le conseil va se réunir demain. Il est probable qu’il obtienne la tête de l’actuel président, tant la chasse aux sorcières semble évidente, notamment  de la part de l’ancien n°2 de Nissan, que Ghosn a lui-même placé aux commandes il y a quelques mois.

Quel avenir pour l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi ?

"Toutes les procédures de gouvernance sont opérationnelles, permettant au Groupe Renault de poursuivre le cours normal de son activité industrielle et commerciale", indique le constructeur.

Forcément, chez Renault on se veut rassurant, surtout devant les spéculations plus ou moins loufoques qui circulent et qui font le jeu de la bourse. En faisant tomber l’artisan de cette alliance inédite qui a permis d’atteindre la place de N°1 des constructeurs automobile, tous les regards se tournent désormais sur Renault et surtout Nissan.

C.Ghosn, pourtant pas en odeur de sainteté auprès des dirigeants français, a toujours été maintenu à la tête de Renault, car il se dit que lui seul pouvait maintenir l’équilibre actuel. Ghosn s’était notamment prononcé de nombreuses fois contre la présence de l’Etat français dans le constructeur français, conscient que cela posait problème aux japonais.

A de nombreuses occasions, Nissan a réclamé un rééquilibrage des forces en présence, autrement dit, de l'actionnariat. Mais c’est oublier un peu vite que c’est bien Renault qui est venu sauver Nissan de la faillite en 99, et non l’inverse. Renault détient d’ailleurs 43,4% du capital de Nissan, ce qui en fait le véritable propriétaire, tandis que Nissan ne détient que 15% de Renault, sans droit de vote.

La France voulait une fusion entre Renault et Nissan

Bien qu’il se soit longtemps refusé à cette idée, C.Ghosn travaillait pourtant ces derniers mois sur une fusion potentielle, poussée par le gouvernement français afin de s’assurer de la pérennité de l’alliance lorsque Carlos Ghosn aurait passé la main.

Lors du dernier renouvellement de son mandat, sa mission avait d'ailleurs été clairement indiquée par l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat français. Les fortes réticences de Nissan à ce sujet, pour ne pas dire plus, pourraient donc bien être l'une des explications de cette soudaine dénonciation.

Cette affaire qui éclate, visiblement avec des faits tangibles si l'on en croit la justice japonaise qui n'hésite pas à communiquer sur le sujet, semble donc hautement politique. Seul l'avenir nous dira ce qu'il en est réellement, mais une chose est sûre, elle va continuer à alimenter les journaux dans les jours et les semaines qui arrivent.

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