1. Les débuts de Louis Renault avec sa voiturette (1898- 1914)
Cette voiture était en fait un tricycle de Dion-Bouton 3/4 ch, que Louis avait acheté avec ses économies réalisées pendant son service militaire puis modifiée pendant deux mois dans son petit atelier (ci-contre). Il a dessiné et forgé de ses mains l'essieu avant et arrière ainsi que le châssis afin de le transformer en quadricycle. Les amis de Louis enthousiasmés par le prodige qu'il avait fait, lui commandent alors 12 exemplaires de cette voiturette.
Le 9 février 1899, il dépose un brevet d'invention pour voitures automobiles pour un "mécanisme de transmission et de changement de vitesses pour voitures automobiles". Sans le savoir, il vient de révolutionner le monde automobile en inventant la boîte de vitesse à prise directe. Silencieux et peu encombrant ce système va remplacer la transmission par chaîne.
Louis Renault a maintenant montré à ses frères de quoi il est capable et il parvient à les convaincre de réunir 60 000 francs-or pour créer une petite société. C'est ainsi que le 25 février 1899 Louis, Marcel, et Fernand créent la société "Renault Frères".
Cette société n'est prévue que pour une durée de deux ans, juste le temps de produire une trentaine de voitures. "L'usine" est installée au bout du jardin potager familial. Une serre est transformée en magasin, et on construit une cabane servant de bureau. Louis travaille comme un forcené pour mener à bien son projet.
Il présente la Type A au second salon de l'auto de l'histoire. Les 60 salariés de l'usine fabriquent les 71 autos commandées. Ce modèle est équipé d'un moteur de Dion-Bouton de 273 cm³ placé à l'avant de la voiture, pourvu d'ailettes afin d'obtenir un meilleur refroidissement, et secondé par une boîte de vitesse à trois rapports. Le volant est un guidon et à sa droite se trouve un frein à main agissant sur les roues arrières. La Type A est d'abord carrossée en tilbury mais Louis Renault a l'idée géniale d'un fiacre aux formes de l'automobile. La voiture est résolument verticale : 1,90 de haut pour un empattement de 1,75 m afin de suivre la mode d'alors qui voulait que le chauffeur porte le haut de forme.
Le temps des seigneurs de la route
Le 27 août 1899, Louis Renault s'engage dans la Coupe des Chauffeurs Amateurs disputée sur la distance Paris-Trouville. La marque Renault s'engage pour la première fois de son histoire dans le sport automobile. C'est un succès. Nouveau succès le 1er septembre dans la course Paris-Ostende. Avec ces victoires, la jeune société fait paraître dans la presse sa première publicité. Ces victoires marquent aussi le début de la marque dans le sport automobile.
L'année 1900 est jalonnée de nouveaux succès grâce à la Type C : Paris-Bordeaux et Paris -Toulouse ce qui permet de voir arriver 350 nouvelles commandes.
Une Type C "laitier"
Dérivée de la Type A, ce nouveau modèle possède cependant le moteur de la Type B mais refroidi par eau grâce à deux radiateurs cylindriques disposés de chaque côté du moteur qui développe une puissance de 3,5 ch. à 1800 tr/mn. 179 exemplaires seront finalement fabriqués soit 4,3 % de la production totale française.
A la fin de l'année, les ateliers n'ont plus grand chose à voir avec celui des débuts puisqu'ils ont désormais une superficie de 4680 m2 et 110 personnes sont employées, contre seulement 6 deux ans auparavant. Fernand commence à organiser un réseau d'agents à l'étranger et en 1901 la première voiturette est exportée pour le compte d'un riche client de Sumatra. Jusqu'au mois de juin 1902, les usines produisent 8 nouvelles voitures : les types de D à J.
La Type D, première Renault avec un volant, est dérivée de la C. Le moteur est plus puissant mais elle pèse aussi 200 kg de plus ! Elle atteint malgré tout la vitesse "folle" de 38 km/h.
La Type E qui suivra est une extrapolation de la Type D. La cylindrée augmente en passant de 102l à 1234 cm3 pour développer 9 ch à 1600 tr/min. Le capot n'est plus trapézoïdal mais allongé et appelé "alligator", ce qui deviendra une marque de fabrique de Renault.
Le nouveau moteur lui permet de dépasser les 40 km/h tandis que le réservoir de 18 litres lui autorise une autonomie de 200 kilomètres !
La Type G est une 6 ch châssis court de 450 kg. Monocylindre, son moteur a un alésage de 90 mm et une course de 110 mm, tandis que la Type G dispose d'un châssis long (2,74 m de long pour 650 kg). Les freins sont modifiés avec une augmentation du diamètre des tambours (184 mm).
La Type H est équipée du premier bicylindre de la marque d'une cylindrée de 1728 cm3 qui développe une puissance de 14 ch à 1200 tr/min permettant d'atteindre la vitesse maximale de 74 km/h. Enfin, la Type J est mue par un énorme bicylindre de 2652 cm3 qui développe 18 ch.
Une affaires de famille entre les Frères Renault
En 1903, Marcel Renault meurt suite à un accident survenu lors de la course Paris-Madrid, un an après sa superbe victoire dans le Paris-Vienne mettant alors l'affaire Renault Frères en péril.
Marcel Renault lors de sa victoire au Paris-Vienne
Marcel qui est célibataire a fait de sa maîtresse sa légataire universelle. Elle devient ainsi copropriétaire de la société avec une part évaluée à 5 millions de francs. Louis Renault qui souhaite racheter ses parts tente alors une opération de charme. Il convainc Suzanne de céder ses droits contre une rente viagère de 10 000 francs par an et l'attribution d'une voiture Renault tous les ans.
Par l'acte enregistré le 28 juillet 1903, Louis Renault passe du statut de salarié à celui de copropriétaire de l'entreprise. Mais il devra encore attendre six ans pour devenir le maître absolu.
Renault dépose cette même année le brevet de suralimentation qui servira....75 ans plus tard en Formule 1. 948 voitures sont produites en 1903 sur un total de 11 500 voitures fabriquées en France. La société a désormais un vrai réseau de 120 agents qui sont chargés de commercialiser les nouveaux types de la marque de M à S.
La Type S marque une vraie nouveauté puisqu'elle est la première à recevoir un 4 cylindres maison qui est en fait un accouplement de deux bicylindre développant la puissance de 14 ch à seulement 1250 tr/mn. On voit là une théorie de Louis Renault: pour qu'un moteur dure longtemps, il doit tourner à bas régime. Cette énumération peut sembler fastidieuse mais une autre des philosophies de Louis Renault transparaît: il faut diversifier les modèles pour répondre à tous les goûts de la clientèle d'où les nombreuses évolutions de sa gamme.
En 1904, traumatisé par la mort de son frère, il abandonne les courses pour se consacrer aux voitures de tourisme. Cette année là ce sont ainsi les Types T (disposant du premier mon-cylindre de la marque), U et O qui apparaissent.
La Type O sera en réalité une voiture de course conçue pour un milliardaire américain. Devant les succès accumulé outre-atlantique par son client, Louis Renault décide finalement de renouer avec la course, mais il ne veut plus conduire. Il demande ainsi au mécanicien qui courait avec lui de le remplacer, ce qu'il accepte.
Le 16 juin 1905, Ferenc Szisz participe à l'épreuve éliminatoire de la course d'Auvergne. Pour participer à la finale, il doit se classer dans les trois premiers mais arrive cinquième. C'est le premier échec pour l'entreprise, la faute à un manque de fiabilité de la pompe à eau. Mais Szisz prend sa revanche lors du Grand Prix de l'A.C.F. le 26 avril 1906.
Louis Renault avait préparé soigneusement sa voiture. Très proche des voitures de série, elle développait pourtant une puissance de 100 chevaux ! Il l'avait en outre équipée de nouvelles jantes Michelin amovibles simplifiant considérablement le changement de pneumatiques.
Pour symboliser ses succès en sport automobile, un nouveau logo, qui fait clairement apparaître l'une de ses voitures, est dessiné.
1905 est aussi une année faste pour les ventes et poussé par cette réussite, le premier autobus de la marque est commercialisé. Le premier exemplaire sera livré à la compagnie générale des omnibus de Paris pour desservir la ligne "Place de Clichy-Saint Germain des Près".
Le " carton" des célèbre Taxis...
La Compagnie Française des fiacres automobiles commande 250 voitures qui seront utilisées comme taxis à Paris. L'affaire est une aubaine qui permet à l'entreprise de traverser les grèves ouvrières de 1906. Les taxis prennent de l'essor et c'est ainsi qu'en 1906, 500 voitures sont commandées, 750 en 1907 et 1500 en 1908-1909.
L'affaire se développe aussi à l'étranger. Renault livre à Londres 1 100 véhicules en 1907. Renault-Angleterre, qui est la première filiale étrangère de la marque, commence déjà à faire des bénéfices tandis que la Renault -Selling-Branch de New York suit les traces de sa sœur anglaise et qu'une filiale est également implanté à Berlin.
Ses usines proposent désormais quatre modèles : la 8 ch (servant de base aux taxis parisiens), la 10 ch, la 14 ch et la 20 ch. Le châssis de cette dernière est en tôle emboutie alors que ceux des précédents modèles étaient en tubes. Autres innovations : Renault monte pour la première fois en série des amortisseurs brevetés ainsi que des ressorts à lames montés transversalement à l'arrière auxquels Louis Renault sera longtemps fidèle d'ailleurs. En décembre 1906 apparaît une 35 CV, modèle de prestige des usines de Billancourt procurant à Louis Renault une réelle satisfaction.
En 1907 la production a doublé (3066 voitures) alors que la production totale des marques françaises n'a augmenté que de 5%. Le premier 6 cylindres de la marque développant 50 ch sort des usines cette même année.
Toujours à la recherche d'idées nouvelles, Louis Renault prend connaissance en 1908 des fameuses théories de Taylor. Il décide alors de les introduire dans son entreprise et fonde beaucoup d'espoirs sur cette nouvelle organisation lui permettant de produire des voitures bon marché. En 1909, il commercialise la 12CV Type AZ tandis que la société devient son bien personnel après avoir obtenu de son frère Fernand, malade, une renonciation à l'association.
Celui-ci reçoit en échange huit millions de francs alors que l'entreprise en vaut 30. Le 29 janvier, la Société Renault Frères est officiellement dissoute et le 22 mars Fernand meurt.
Cela n'arrête pas Louis Renault. La même année, la gamme s'enrichit d'une 7/8 ch vendue 4650 francs et d'une 18 ch. Jusqu'à cette époque, Renault ne livrait que des châssis nus destinés à être carrossés à l'extérieur mais Louis décide finalement de doter son usine d'une section de carrosseries. En 1910, plus de 3 000 personnes sont employées.
Les errances du taylorisme "à la Renault"
Louis Renault décide de se rendre aux États-Unis pour rencontrer Henry Ford. La visite a lieu dans la deuxième quinzaine d'avril. Louis Renault est très impressionné par la capacité et l'organisation de l'usine américaine. Il pense que la 8ch pourrait devenir la Ford T française. Malheureusement il n'a pas compris ce qu'il pouvait tirer de l'exemple de Ford et au lieu d'utiliser cette méthode pour produire à grande échelle un modèle unique, il a essayé de rationaliser une multitude de chaînes fabriquant pas moins de onze modèles, de 8 à 40 ch.! On est loin de la Ford T...
Les usines Renault en 1905
Le 19 août 1912, Henry Ford rend visite à Louis Renault. En tentant d'appliquer la méthode à toute l'entreprise, Louis Renault déclenche une grève le 11 février 1913. Les ouvriers refusent le chronométrage de leur travail, pénalisant leurs erreurs et servant à calculer leur salaire. Ils refusent de devenir des robots. Cette grève dure plus d'un mois mais Renault sort victorieux de ce conflit. C'est la dernière fois qu'il instaurera le dialogue avec ses salariés et deviendra de plus en plus despote et solitaire. A la veille de la guerre il est le premier constructeur français par son chiffre d'affaires. De la 8 ch. -à la 45 ch.- il propose un large choix à la clientèle.
Renault diversifie déjà sa production
Depuis ses débuts, Louis Renault a l'envie de diversifier au maximum sa production afin de toucher un public aussi large que possible. Du moment qu'il y a un moteur, Renault veut être là. Après les voitures, les autobus, les véhicules utilitaires et camions, Renault décide de se lancer dans l'aviation en construisant des moteurs, pour quelques avionneurs français.
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