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10. La Régie devient Renault (1991- 1999)

Dans les années 90, l'Europe doit s'affirmer face à la concurrence des États-Unis et du Japon. Pour cela, ses États doivent se désengager et cesser d'aider les entreprises publiques ou privés du secteur concurrentiel.
Par le 23/06/2002

Un nouveau PDG pour Renault: Louis Schweitzer remplace Levy

En 1992, Louis Schweitzer remplace R.H.Lévy qui a fait  renaître Renault en continuant la politique engagée par G.Besse. Ayant atteint l'âge de la retraite, Louis Schweitzer le remplace. Comme Pierre Dreyfus, il vient de la haute administration. Ancien inspecteur des finances, il est entré chez Renault en 1986.

Louis Schweitzer est l'homme de la privatisation, d'un fort engagement en compétition automobile du retour en F1 en 2002 en tant que team complet ( châssis+moteur), d'une réforme en profondeur des structures et de stratégies, de réduction des coûts, de la mondialisation ( rachat de Nissan, de Samsung Motors, de Dacia, alliance avec Volvo Trucks, Irisbus et la fin des autobus Renault, scooter Benelli,.....).

La politique d'innovation sera aussi une de ses grandes lignes de même que la sécurité accrue ( Laguna II, la voiture la plus sûre du monde avec 5 étoiles au test Euro Ncap) et bien sur, de la Logan, un modèle qu'il a su imposer à Renault.

Pour Renault cela se traduit enfin -et un peu tard- par une ouverture (tant attendue par Louis Schweitzer) partielle de son capital en 1994. Deux ans plus tard, la Régie cesse officiellement d'exister et devient Renault, une entreprise privée et "responsable" mais dont l'Etat reste malgré tout le premier actionnaire.

Un seul mot pour Renault: l'innovation

Afin de lutter avec ses concurrents, et de proposer à ses clients des voitures inhabituelles, séduisantes et fonctionnelles, Renault va choisir l'innovation, chose qui est dans la culture du constructeur depuis ses touts débuts en 1898, et va grandement démocratiser les monospaces.

La qualité totale voulue par le prédécesseur de Schweitzer se concrétise en 1988 avec la R19 qui aura droit à sa version cabriolet, puis en 1990 avec la Clio qui remplace une Super 5 dépassée par sa concurrente sochalienne, la 205.

En 1991, une nouvelle génération d'Espace voie le jour. La modularité intérieure est excellente, sa ligne est très arrondie et très moderne, et une version Grand Espace verra le jour en 97/98.

L'année suivante, en 1992, aux côtés de la minuscule Zoom, la Twingo, une petite citadine monovolume fait les gros titres de la presse. Sa bouille marrante, sa conception monospace, son aménagement intérieur font de cette voiture une citadine tout a fait révolutionnaire. Bien que décriée, ce sera finalement un succès immédiat. Son prix, unique: 55 000 F. Petit à petit de multiples versions voient le jour ( matic', easy, Pack, Benetton,...). Sa carrière durera plus de 15 ans.

C'est également en 1992 que le nouveau logo modernisé de Renault débarque. Brillant, en relief, il met en avant le nouvel esprit de Renault. Il est inauguré sur la Safrane puis la nouvelle R19.

Ainsi donc, un nouveau vaisseau amiral remplace la R25. Avec sa ligne très germanique, Renault espère concurrencer les allemandes avec sa nouvelle Safrane. Pour ce faire, une version Biturbo du V6 PRV sera proposée sur cette berline haut de gamme. Si les chiffres de vente auraient de quoi faire rêver de nos jours, en revanche à l'époque, la Safrane est vécue comme un échec. En cause, des moteurs insuffisants et une image de généraliste qui reste collée à Renault et à sa Safrane.

En Mars 94, la voiture la plus vendue en France, la Clio qui a désormais droit à sa version sportive Williams motorisée par un bloc de 150 ch. est restylée timidement: phares, feux arrières, rétroviseurs.

Mais, la grande arrivée cette année est la Laguna, qui remplace la R21 (que vous pouvez retrouver au nouveau musée virtuel "The Original Renault", une sage berline qui avait eu droit à son heure de gloire notamment grâce à la version 2.0 Turbo qui lui donnait ses lettres de noblesse).

Fin 1995, la Mégane arrive en remplacement de la R19. La Mégane est à elle seule un gamme entière (berline 5p, 4p, Coupé, Cabriolet, monospace, puis Break et Scénic 4X4 cinq ans plus tard). Renault a énormément investi pour elle, dans des années un peu floues pour la trésorerie. Mais les bonnes années se préparent. Le succès de la Mégane est immédiat. Elle prend très vite la première place en France avec l'arrivée du monospace compact Scénic en 1996, et détrône la Golf de la première place en Europe pendant plus d'un an. Aucune Française n'avait réussi cela.

Le succès du Scénic est aussi fulgurant qu'inattendu. Mais cette fois les concurrents n'attendront pas 10 ans pour répliquer et ce d'autant plus que les équipes du Design, avec à sa tête Patrick Le Quément, avaient présenté le concept du monospace compact dès 1991.

Renault devient ainsi le maître des monospaces et en propose désormais 3 dans sa gamme. Il tentera de pousser le concept jusqu'à faire un nouveau monospace entre la Twingo et le Scénic, la Modus un minimonospace commercialisé en 2004 n'aura pas le succès escompté et ce malgré la version longue commercialisée trois ans plus tard.

L'utilitaire Kangoo, est aussi la marque d'innovation dont fait preuve Renault. En effet, doté d'un style tout à fait surprenant, ce petit utilitaire qui débarque en 1997 est l'anticonformiste jovial, décontracté, pratique et confortable. Il va comme ses petits frères de la gamme, pousser les ventes de Renault vers le haut. Une version hybride avec prolongateur d'autonomie sera même commercialisée en 2002.

En 1998, la Clio II est commercialisée tandis qu'en fin d'année, c'est l'Espace qui fait peau neuve avec un restylage. Stylistiquement superbe et dotée d'une planche de bord très moderne ( instrumentation digitale, au centre, large boîte à gants, radio avec télécommande,.....) l'Espace monte encore en gamme.

Cette quête à l'innovation va continuer sur le plan du style, avec notamment quelques échecs retentissants comme la regrettée Avantime très fidèle au concept de 99, une sorte de monospace coupé, ou encore de la Vel Satis, sa berline la plus haut de gamme.

Les années 90 sont aussi l'occasion pour Renault de présenter des concepts-car souvent décalés d'un point de vue du design. Les équipes de Patrick Le Quément aiment explorer de nouvelles voies et présentent des concepts aussi variés que parfois déroutants comme l'Initiale, le concept Vel Satis en 1998, l'Avantime de 99, ou le revival de la 4CV -un qui a sauvé Renault après guerre- appelé Fiftie pour les 50 ans de ce modèle. Le constructeur apprécie également les véhicules de loisir comme le superbe Laguna Roadster au début des années 90, l'Argos (1994), la Zo (1998), la hors catégorie Espace F1 (1994) et le moins connu Santa Fe un petit pickup.

L'innovation ne s'arrête bien sur pas au design. Pendant ces années 90, Renault, comme d'autres étudient déjà des motorisations hybrides comme la Next, ou la Pangea de 1997.

La sécurité avant tout

Tout comme Volvo, Renault se lance dans la sécurité à tout prix. La marque innove ainsi en proposant le double airbag de série dans des citadines, puis les 4 airbags, l'ouverture et démarrage de la voiture avec une carte dans la Laguna ( chose que seule la Mercedes Classe S proposait en option), système Odysline ( Repérage satellite de sa voiture, appel d'urgence, ...), ceinture arrière 3 points, système de Retenue Programmée, etc.

Dans le sport, c'est la même chose. Après de nombreux succès en Rallye Raid avec Schlesser, en décembre 2001, le team Renault-Schlesser s'engage dans le Paris-Dakar avec un moteur Diesel. Ce sera un échec.

En F1, suite à son retrait avec son double titre en 1997, Renault revient dans la discipline en 2001 avec un tout nouveau V10 ( avec un angle d'ouverture de l'ordre des 110°, sans arbre à cames,.....). Bien que l'équipe ait finalement changé son fusil d'épaule, l'équipe sera double championne du monde avec 2005 et 2006.

Le retour de Renault sur les marchés émergeants

Comme tous les constructeurs, Renault ne peut plus rien espérer sur les marchés européens. La place de chaque marque étant de plus en plus étroite et la progression revenant à "monter un escalier roulant qui descend" selon Louis Schweitzer.

L'époque où Renault dominait totalement son marché intérieur est révolue. Renault ne peut continuer à se limiter à l'Europe au risque d'étouffer ses chances de survie. Seule une stratégie internationale comme l'avait déjà réalisé Louis Renault dans les années 1900 peut  lui permettre de se donner des possibilités de croissance.

Mais là où elles se trouvent: sur les marchés émergeants. Dès avant la première guerre mondiale, Renault s'était tourné vers l'Argentine et le Brésil, où ses agents vendaient taxis et voitures particulières. Lors de l'époque de la Régie, Renault s'était aussi tourné vers ces pays mais sans les moyens financiers nécessaires pour s'y ancrer solidement.

Cette fois, Renault revient avec une approche plus adaptée au long terme avec 2 usines, l'une au Brésil baptisée Ayrton Senna et l'autre en Argentine. Ces deux usines sont appuyées par une structure autonome de commandement industriel, commercial et financier, installée à Curitiba, dans la province brésilienne du Parana c'est à dire au cœur du Mercosur (espace de libre échange réunissant le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay).

Les objectifs de Renault sont de réaliser une pénétration de 10% et d'en faire son second marché après l'Europe, malgré une concurrence internationale sévère. Les produits du réseau Renault sont ceux de la gamme européenne mais adaptés au marché (Clio Tricorps,...). Cela permet à Renault de proposer une gamme jeune et dynamique.

D'autres marchés plus risqués intéressent Renault

Cette stratégie d'expansion, Renault l'applique aussi à la Turquie, qui est une plate forme de forte expansion vers les régions voisines. Renault y renforce ses structures, modernise son usine de Bursa (qui produit d'ailleurs les Mégane Break).

Un autre pôle intéresse aussi beaucoup Renault: l'Europe centrale à partir de l'implantation slovène de Revoz à Novo Mesto. L’Europe occidentale n'est plus, on le sait, un marché de croissance.

En revanche, la "Grande Europe" qui s'annonce avec l'intégration des pays de l'Est représente un marché de 350 millions de consommateurs, et il y a aussi la Russie, qui possède un très fort potentiel.

Renault y a d'ailleurs entamé une coopération avec la mairie de Moscou pour la production de Mégane dans l'usine de Moskovitch, qui est une vieille connaissance ( voir ci-avant).

Renault écrase tout en Formule 1

La présence de Renault en F1 a sans aucun doute beaucoup aidé Renault à se faire une image, et à avoir de la crédibilité sur ces marchés, même s'il est impossible de le vérifier.

En effet, de 89 à 97, date du retrait de Renault de la F1, Renault remporte au total 11 titres mondiaux de F1, le sport auto majeur en Europe et dans le monde. La Formule1 donne aussi des retombés technologiques sur les voitures de "monsieur tout le monde". Certes, ces retombés sont indirectes, mais elles existent comme le témoigne l'utilisation du Turbo à une certaine époque, l'utilisation de nouveaux matériaux, ou la suppression d'arbre à cames que Renault avait initialement prévu d'appliquer sur les moteurs de série.

Après ces années fastes, Renault décide de se retirer de la Formule 1. Le constructeur ne coupe cependant pas les ponts puisque Mécachrome, -un partenaire de longue date de Renault- continu de commercialiser les anciens moteurs Renault en 1998 et 1999 aux équipes Benetton et Williams. Hasard ou coïncidence, ces années ne seront pas couronnées de succès pour les deux équipes. L'équipe BAR fait de même en 1999 tout comme Arrows en 2000.

De nouveaux systèmes et process de fabrication

Afin de réduire les coûts de fabrication, les constructeurs vont s'engager dans la réutilisation de plates-formes. Ainsi, la plate forme de la Mégane est utilisée pour la Berline 5 portes, la Classic ( 4p), le Coupé, le Cabriolet, la version monospace Scénic, le Break, et même la version 4 roues motrices du monospace ,le Scénic RX4.

C'est une première chez Renault ! Les autres constructeurs suivent la même stratégie, le meilleur dans ce domaine étant bien sûr le groupe VAG ( Volkswagen, Audi, Skoda, Seat,....).

L'automobile, mais aussi les poids-lourds, l'agriculture et des autobus

A l'époque, Renault n'est pas seulement un constructeur automobile. Il propose aussi des tracteur via sa division agricole Renault agriculture et une gamme de camion chez Renault VI avec l'apparition de nombreux nouveaux modèles.

Si l'autobus que tous les écoliers de l'époque ont connu, le PR100 est arrêté en 1993, en revanche, l'autobus FR1 va vite s'imposer pour les excursions. Du côté des camions, c'est le superbe AE renommé plus tard Magnum, qui va devenir le fer de lance de la gamme de Renault VI.

D'ailleurs, en 1991, Renault réalisé un joli tir groupé puisque la Clio, le FR1 et l'AE sont respectivement élus voiture, autocar et camion de l'année.

Renault devient un groupe puissant

Dès le début des années 90, Renault et Volvo tentent de se rapprocher. Si un accord est bien signé, les négociation finiront pas échouer, le poids de l'Etat français étant trop important pour Volvo.

En revanche à la fin de décennie, Renault va boucler plusieurs rachats ou alliance. Le plus retentissant sera bien sur celui avec Nissan en 1999. Pour autant, Nissan, une marque qui s'est construite par l'adjonction de plusieurs sociétés au fil du siècle, est au bord de la faillite et le redresser ne pas chose aisée. Louis Schweitzer envoi sur place son dauphin, Carlos Ghosn qui gagnera son surnom de Cost killer en sauvant Nissan en moins de 2 ans.

Parallèlement aux négociations avec Nissan, Renault boucle le rachat d'un petit constructeur roumain inconnu, Dacia ainsi que de Samsung Motors, un constructeur coréen qui a été créé grâce à Nissan.

Si Samsung n'aura pas de débouchés en Europe (même si certains modèles sont uniquement fabriqués localement comme le Koleos), en revanche, on ne sait pas encore que Dacia deviendra quelques années plus tard la marque la plus vendue auprès des particuliers en France grâce à la Sandero.

Chez Dacia, Renault commence par mettre sur pied un modèle basé sur une Dacia, mais avec des pièces de Renault, la Solenza avant de proposer une toute nouvelle voiture: la Logan. Cette dernière signera la fin de l'ère des antiques R12 roumaines .

Des années fastes pour Renault

Entre 92 et 98, la santé de Renault s'améliore grandement, même si certaines années restent marquées par des déficits. Mais, la gamme devient de plus en plus compétitive par rapport aux concurrents étrangers. Elle est moderne, et elle plaît.

Une politique de réduction des coût est engagée chez Renault, et portera grandement ses fruits, permettant de dégager mes marges de manœuvre. Une fois Renault en forme, le constructeur va se lancer à l'assaut du marché automobile à l'aube du nouveau millénaire.

 

Chiffre d'affaire 1995-1997

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