Dossier: Le TN6 1932-1969
Le TN6, et la division autobus de Renault, doivent beaucoup à l'ancêtre de la RATP, la STCRP. C'est en effet elle qui passa commande d'une série de 15 autobus Renault KX1 en 1924. Dès lors, le destin de la STCRP et de Renault étaient liés.
Du Renault TN4 au TN6
En 1931, la STCRP commande un tout nouveau modèle à Renault, le type TN4 A2. Ce dernier adopte une carrosserie allongée, ce qui lui permet de transporter jusqu'à 50 personnes et son radiateur d'eau se trouve maintenant à l'avant du moteur, alors que jusqu'alors celui-ci se trouve derrière.
En 1932, il est épaulé par le TN6 A2, qui par rapport au TN4, dispose d'un moteur 6 cylindres au lieu de 4, et donc d'un capot plus long. La silhouette de ces deux véhicule est en dehors du capot, exactement la même, que l'on qualifiait même quelques fois de "nez de cochon".
Le TN6 devient vite la forme la plus populaire de "l'autobus parisien" des années trentes. Grâce à son moteur plus puissant, le TN6 est "réservé" en priorité aux lignes empruntant un terrain accidenté. Long de 9.50m, il peut transporter -comme le TN4- 50 personnes dont 33 assises (17 en première classe et 16 en seconde) et 17 debout sur la fameuse plate-forme arrière, faisant le charme de ces véhicules.
Souvent rattachée à l'image du TN6, cette plate forme n'est malgré tout pas une innovation Renault puisqu'on la trouve déjà sur les omnibus hippomobiles à la fin du XIXème siècle. Les gens pressés courraient derrière le bus et l'"attrapaient" à la volée, en faisant sauter la chaînette qui fermait l'ouverture. A la gauche sur cette plate forme, se trouvait le receveur.
Une première série de 770 exemplaires du TN6 A2 fut livrée en 1932, suivie de 160 unités du genre TN6 C2 en 1934. Ce dernier se distinguait par ses roues du type artillerie et son auvent surbaissé pour accueillir un pare-brise agrandit.
Animé à l'origine par un moteur Renault essence fournissant 67 ch, ce modèle reçut par la suite des moteurs Diesel Panhard ou Hispano-Suiza.
Le TN6, image de la mutation de la société
Ces bus furent les témoins de très importantes mutations de la société française: ils furent au coeur des violentes manifestations qui éclatèrent en février 1934, place de la concorde, ils assistèrent aux remous sociaux qui conduisirent à la victoire du front populaire en 1936, ils connurent l'occupation de la France par les Allemands, et durent s'adapter aux restrictions de carburants.
Divers prototypes ont même été créés sur la base de ce fantastique véhicule. Ainsi, on vit des TN6 fonctionnant au gaz de ville non comprimé en 1940. Pour cela, on les avait surmonté d'un énorme ballon. D'autres autobus fonctionnèrent à l'alcool éthylique, d'autres au charbon de bois,... Pas de pétrole mais des idées avant l'heure...
Après la libération, les bus retrouvent leur bonne vielle silhouette d'antan, mais ils sont sensiblement améliorés sur le plan du confort. La partie avant est couverte afin de permettre au chauffeur de ne plus être exposé aux caprices du temps comme cela était le cas avant-guerre.
Grâce à leur durée de vie hors du (transport) commun, ces bus iront même jusqu'à connaître les dures grèves de Mai 68, puisqu'ils ne seront totalement remplacés qu'en 1969. Dès 1971, un autobus largement diffusé prend la relève, le PR100 né initialement chez Berliet.
Avec eux, disparurent les derniers témoins du Paris d'avant guerre et de sa société...