La technologie du Turbo
Il n’y a pas trente-six façons d’accroître la puissance d’un moteur : soit on augmente sa cylindrée, soit on le fait tourner plus vite, soit encore on lui fournit davantage d’énergie,
c’est-à-dire de carburant. C’est à cette dernière tâche – la suralimentation – qu’est employé le turbo. Dans la pratique, on ne peut pas se contenter d’augmenter les doses de carburant dans une chambre de combustion sans accroître en proportion la quantité d’air.
Sinon, on s’éloigne du rapport optimal air/carburant – qui respecte des proportions bien précises en essence comme en diesel –, avec pour effet de dégrader la combustion et le niveau d’émissions polluantes. Pour contourner cet obstacle, les ingénieurs automobiles ont inventé le turbo, un système qui, schématiquement, se sert de l’énergie contenue dans les gaz d’échappement pour actionner un compresseur, qui, à son tour, réinjecte de l’air sous pression dans le circuit d’admission d’air du moteur. De cette façon, il devient possible de suralimenter le moteur sans «l’étouffer». La boucle est bouclée.
Le principe du turbo n’est pas nouveau. Rudolph Diesel lui-même a travaillé sur le sujet à la fin du XIXe siècle puis Louis Renault au début du XXème. Mais, pour des raisons techniques, le turbo a d’abord équipé des moteurs tournant à des régimes stables : avions, camions, véhicules de chantier.
Lorsqu’il a commencé à être intégré dans l’automobile, il a été utilisé pour accroître la puissance, dans un but sportif. Puis, après le choc pétrolier de 1973 et l’augmentation du prix de l’or noir, les constructeurs s’en sont davantage servi pour réduire la consommation de leurs modèles.
Le principe d'un turbo
Un turbo fonctionne un peu comme un moulin. Placé à la sortie du moteur, il exploite l’énergie – cinétique (vitesse), volumétrique (pression) et thermique (température) – contenue dans les gaz d’échappement pour mettre en rotation une turbine, solidaire d’un compresseur d’air, lui-même branché sur le circuit d’admission du moteur.
Autrement dit, les gaz font tourner une turbine (comme l’eau de la rivière fait tourner les aubes du moulin), qui fait tourner un compresseur, qui envoie de l’air sous pression vers le circuit d’admission. Grâce à cet apport d’air comprimé, il devient possible de suralimenter le moteur en carburant.
Question de régime
Dans un turbo, tout est question de «dosage». De la puissance supplémentaire, un conducteur en a surtout besoin à bas régime. Or, à bas régime, justement, les gaz d’échappement ne sont pas très chauds et ne sortent pas très vite…
A puissance maximale, au contraire, les gaz regorgent d’énergie, mais, au-delà d’un certain seuil, gaver le moteur avec de l’air comprimé peut être nocif… Tout le savoir-faire des «turbologues» consiste donc à trouver le bon compromis, qui permette de rajouter de la puissance à bas régime sans emballer le système au-delà.
Une technologie très diesel
Les turbos sont beaucoup plus répandus sur les moteurs Diesel que sur leurs homologues à essence. Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, un moteur Diesel fonctionne en mélange pauvre (pauvre en carburant et riche en air), et nécessite un rapport air-carburant maîtrisé, sans quoi le niveau d’émissions atmosphériques se dégrade très vite (les fumées noires des vieux diesels).
Le turbo est donc une solution idéale pour augmenter la puissance spécifique de ces moteurs en respectant des seuils d’émissions très stricts. En outre, les diesels fonctionnent sur des plages de régime relativement étroites – en gros, entre 1000 et 4 000 tours/minute – qui conviennent bien au turbo. Sur les moteurs Diesel à injection directe, le turbo est même devenu incontournable.
Diesel : les turbos à géométrie fixe
On l’a vu, c’est à bas régime que l’on a le plus besoin du turbo, mais c’est aussi à bas régime qu’il reçoit le moins d’énergie.
La solution consiste donc à dimensionner les différents éléments du turbo pour tirer le meilleur parti de l’énergie disponible dans ces plages de régime. En gros, on introduit les gaz dans la turbine par un tuyau étroit, afin d’augmenter leur vitesse, et on calcule la taille des ailettes pour qu’elles aillent le plus vite possible.
La turbine du turbo qui équipe le moteur Renault 1,5 l dCi tourne de 15000 jusqu’à 240000 tours/minute! Mais, si la géométrie du turbo est calculée en fonction du bas régime, comment éviter une surpression à moyen et haut régimes? Sur les turbos à géométrie fixe, qui représentent encore 70% des turbos sur les diesels, la régulation s’effectue à l’aide d’une soupape. Au-delà d’une certaine pression, l’air comprimé s’évacue par cette issue… On parle de technologie «waste gate».
Diesel : les turbos à géométrie variable
L’introduction d’une soupape permet d’évacuer la pression excédentaire, mais elle présente l’inconvénient de ne pas permettre l’exploitation de la totalité des gaz. Les constructeurs ont donc développé dans les années 1990 une nouvelle génération de turbos à géométrie variable, s’accommodant mieux des variations de régimes du moteur. Il en existe deux grandes familles :
a) la technologie «one piece» La pression est régulée grâce à un ingénieux dispositif de piston, qui fait que plus la pression augmente, plus la turbine laisse passer de gaz. De cette façon, le turbo exploite la totalité des gaz tout en maintenant une pression relativement stable
b) la technologie multi-ailettes (photo ci-dessus) C’est le système le plus récent et le plus sophistiqué. Cette fois, la turbine est équipée d’ailettes orientables pilotées par électronique. En fonction de la charge et du régime moteur, le calculateur modifie l’orientation des ailettes afin d’obtenir la vitesse adéquate. Cela permet de raccourcir le temps de réaction à bas régime. Aujourd’hui, tous les moteurs Diesel Renault sont soit à géométrie fixe, soit à géométrie variable multi-ailettes.
Essence : le renouveau du turbo
Les moteurs à essence se prêtent moins bien que les diesels à la technologie turbo. Ces moteurs offrent en effet des plages de régime plus étendues (en gros, de 1 000 à 7 000 tours/minute) qui compliquent le jeu des compromis et produisent des gaz d’échappement très chauds, approchant les 1000 °C, qui nécessitent des solutions technologiques plus coûteuses.
En outre se pose avec eux un problème de réaspiration des gaz usés – une partie des gaz usés d’un piston peut être réaspirée par un autre piston via le turbo. Toutefois, la volonté de maintenir la puissance des moteurs en réduisant leur cylindrée redonne de l’actualité au turbo essence. Le moteur 2,0 l 16 soupapes est ainsi associé à un turbo innovant qui surmonte tous ces obstacles, et notamment l’épineux problème de la réaspiration.
En la matière, la solution consiste à amener les gaz jusqu’à la turbine par deux entrées, chacune connectée à deux pistons. Ce moteur offre l’agrément et les performances d’un moteur atmosphérique de 2,5 l.
Les moteurs à essence se prêtent moins bien que les diesels à la technologie turbo. Ces moteurs offrent en effet des plages de régime plus étendues (en gros, de 1 000 à 7 000 tours/minute) qui compliquent le jeu des compromis et produisent des gaz d’échappement très chauds, approchant les 1000 °C, qui nécessitent des solutions technologiques plus coûteuses.
Puissance ou consommation : vers le down-sizing
Le surcroît d’énergie apporté par le turbo a longtemps été exploité pour donner plus de muscle aux voitures. Mais la volonté de réduire la consommation et les émissions polluantes pousse désormais les constructeurs à se servir du turbo pour réduire la cylindrée de leurs moteurs tout en conservant le même niveau de performance.
C’est ce que l’on appelle le «down-sizing». C’est une tendance de fond de l’automobile aujourd’hui. Déjà disponible en versions 60 ch et 80 ch, le 1,5 l dCi de Renault sera, par exemple, bientôt proposé en version 100 ch grâce à l’adjonction d’un turbo multi-ailettes.
En quelques années, le turbo est ainsi devenu une pièce miracle, mais qui, comme tout élément rajouté sur un moteur est sujet à l'usure. Retrouvez notre tutoriel pour remplacer son turbo sur le moteur 1.5 dCi.
Renault précurseur du turbo en F1
A la fin des années 1970, Renault a été le grand précurseur du turbo en F1. La maîtrise progressive de cette technologie est en grande partie à l’origine de son brillant palmarès dans ce sport. A cette époque, Renault était, en outre, le seul constructeur au monde à proposer une version turbo sur l’ensemble des modèles de sa gamme.