La succes-story Espace
La genèse de l'Espace
Avant de commencer, précisons que selon notre âge –moins de quarante ans- on peut trouver naturel le concept du monospace. En fait, il n'en est rien comme le prouvent les prémices de cette architecture.
Replongeons-nous ainsi dans l'histoire de l'automobile pour constater qu'auparavant, les véhicules étaient principalement organisés de la manière suivante : un moteur à l'avant (et pourvu que le capot soit grand), un poste de conduite (pas couvert aux débuts), un espace passager et un coffre accessible de l'extérieur.
Dans les années 50, Pierre Dreyfus alors président de la Régie Renault, remarque que la généralisation de la voiture dans les foyers pouvait entraîner un nouveau mode de consommation pour les familles. C’est ainsi que Renault lance le projet d’un nouveau véhicule, permettant la naissance d’un premier prototype, le P900 en 1959. L'idée était de proposer un espace de vie dans le véhicule, avec deux banquettes de trois places permettant ainsi de faire voyager six personnes. Le véhicule était constitué d'un espace de vie, d'une malle accessible de l'intérieur, et d'un capot permettant d'y loger deux moteurs de Dauphine.
Véhicule à l'allure surprenante et peu gracieuse avec notre regard actuel, on a du mal à discerner l'avant de l'arrière. Il restera à l’état de simple concept-car, n’ayant jamais été produit en série. Pourtant, cette approche de Renault ne sera pas vaine.
En 1961 la Renault 4 apporte un concept bicorps, avec moteur à l'avant et habitacle/coffre. En 1975, la Renault 16 est un mélange des genres, une berline haut de gamme sans coffre, ressemblant à un Coupé, mais disposant de sièges déplaçables tels les futurs monospaces.
Loin de chez nous, aux États-Unis, le concept de van est déjà très présent, mais peu adapté aux habitudes européennes : trop grand, trop lourd, il consomme trop.
Au début des années 80, Matra initialement orienté vers la fabrication de véhicules de course, propose à Peugeot un véhicule novateur. Après avoir compris que la marque au lion avait d’autres priorités, en 1981, la marque décide de se tourner vers Renault.
En passant chez la Régie qui accepte le véhicule, Matra va devoir faire des concessions, tout comme Renault d’ailleurs. Le projet initial de Matra ne prévoyait pas de plancher plat, ni de sièges indépendants, et disposait d’un faible moteur.
Le concept P17 de Matra
Renault de son côté voit là un futur haut de gamme et impose ainsi d’en faire un véhicule modulaire bien motorisé. Le plancher plat est ainsi imposé afin de pouvoir le transformer en utilitaire dans le cas où le véhicule ne prendrait pas auprès de la clientèle, tout comme les sièges amovibles que l’on peut positionner différemment dans l’habitacle ou transformer en table dans le but d'en faire un vrai lieu de vie.
Pour mouvoir le tout, Renault reprend le moteur de la R18 développant la puissance honorable –à l’époque- de 100ch permettant au modèle de filer à plus de 180 km/h.
Le savoir-faire en matière de carrosserie de Matra est bien sûr conservé. Celui qui deviendra l’Espace dispose ainsi d’une carrosserie en composite offrant les avantages d’être légère, mais aussi de réduire les coûts de production pour de petites séries.
Des débuts difficiles
Si le succès du roi des monospaces ne peut se démentir au fil des décennies, les débuts sont pourtant très difficiles avec seulement 9 commandes le premier mois de commercialisation en juin 1984, alors que Renault et Matra avaient tablé sur un volume de 54 000 véhicules vendus en cinq ans.
La première année est ainsi difficile avec uniquement 5 923 exemplaires produits, dont 2 703 réellement vendus. En 1985, ce sont 14 083 unités qui sont immatriculés, puis plus de 19 000 l’année suivante, et plus de 23 000 en 1987. En seulement trois ans, l’objectif est rempli : quel succès !
La première génération d'Espace avec son nez de TGV
Contrairement aux véhicules classiques, l’Espace était choisi par les enfants, payé par le papa et conduit par la maman. Une véritable révolution qui valide le slogan "les véhicules à vivre" de Renault.
Devant un tel succès, Renault proposera de nombreuses versions : allongé, nouveaux moteurs Diesel, version 4X4 Quadra, moteur bi-turbo, etc…
En essayant ce modèle d’un autre âge (2.0 l essence BVM) on comprend l'engouement des clients sur ce genre de véhicule car la vie à bord est vraiment un vrai plus. À conduire, contrairement aux idées reçues, on n’a pas l'impression de conduire un camion tandis que la prise de roulis reste plutôt limitée. Enfin, la motorisation haut de gamme, bien que d'une autre époque, permet largement de déplacer le poids limité (900 kg) du véhicule.
Malgré tout, l’évolution de l’automobile en 30 ans nous rappelle l’âge de la mamie, avec une absence quasi-totale d’assistance. La direction est ainsi directe, et freiner demande tout de même d’appuyer très fortement sur la pédale. Pourtant, du fait de son poids plume et la taille de ses pneus, le tout se conduit très facilement et se révèle très maniable. Plus d'infos sur l'Espace 1 ici.
Restylée en 1988, la première génération laisse sa place à l’Espace 2 en 1991. Tout comme l'Espace 1, le moteur reste longitudinal, et la carrosserie, qui se modernise grandement reste en « plastique ».
Autant l'espace 1, avec ses phares de Trafic, était inspiré du TGV, ce que Renault rappelait sur les publicités de l’époque, autant l'Espace 2 rappelle la Clio. Les rétroviseurs sont mieux intégrés, le véhicule prend de la longueur, et l’habitacle gagne en luminosité.
L'Espace de seconde génération
Pour les 10 ans de l'Espace en 1994, Renault dévoile un incroyable concept-car Espace F1 motorisé par un bloc V10 champion du monde en titre de F1 (Williams-Renault) qui peut rouler à plus de 300km/h … s’il est confié aux mains expertes d’Alain Prost. Véritable véhicule image, il s’agit d’une véritable bombe à une époque où rouler vite faisait encore rêver.
Après plus de 315 000 unités immatriculées, l’Espace 2 laisse sa place en 1996 à l'Espace 3. Le moteur change de sens et devient transversal permettant de gagner en espace intérieur. Le tableau de bord passe en mode « planche de bord » aérienne avec l’instrumentation en son centre, les commandes de climatisation décalée sur les côtés, et l’autoradio totalement caché.
La planche de bord devient ainsi très spécifique et d’une harmonie comme rarement on a pu en voir dans le domaine de l’automobile. La modularité est en hausse grâce à un système de fixation des sièges sur des rails. Extérieurement, l’esprit de la Laguna 1 est repris.
Devant le succès grandissant de l'espace, MATRA n'est plus capable de produire suffisamment en étant limité à 300 exemplaires par jours. Renault décide ainsi de reprendre la fabrication de l'Espace 4 commercialisé en 2002, qui passe ainsi à une carrosserie métallique. Il sera restylé en 2006 puis de nouveau en 2012 où il adoptera la nouvelle face avant de la marque, avant de laisser sa place a un nouvel Espace 5 dès 2014/2015.
La suite, on la connaît, en attendant qui sera dévoilée au Mondial de l’Auto à Paris.
Véhicules essayés :
* Espace 1 en version 2.0 essence BVM
* Espace 2 en version 2.0 essence BVM
* Espace 2 en version 2.0 diesel BVA