La Dauphine aux USA
Pierre Lefaucheux, premier PDG de Renault en octobre 1944 songe dès 1948 au marché américain, non pas pour commencer une conquête commerciale, mais plutôt en vue de trouver des devises qui pourraient le cas échéant, financer le programme industriel de l'entreprise, qui était la "production de masse". Il souhaite dans un premier temps s'appuyer sur un revendeur local.
1948: Renault tente sa première expérience américaine
Pourtant, dès le printemps 1948, John Green, homme d'affaires américain, s'engage à vendre 300 voitures par mois surtout en Californie et en Floride. Mais, ce dernier se contentera seulement de vendre des voitures au jour le jour, et négligera totalement la mise en place d'un réseau après-vente digne de ce nom. De sorte, les pièces de rechanges étaient introuvables ou hors de prix.
Avec si peu de préparation, les ventes s'effondrent, passant de 960 voitures en 1948 à 374 en 1952, après un pic à 1551 unités en 1950. Le contrat d'importateur exclusif de John Green est alors alors dénoncé par la Régie.
Robert Lamaison, qui était le responsable des ventes à New York, prend alors la direction de la "Renault Selling Branch", la filiale que Louis Renault avait créé dès 1907 et qui se transformera en Renault Incorporated ultérieurement
1956: la seconde offensive américaine
Devant la réussite de Volkswagen, Bob Lamaison veut faire de même. En 1956, le défi américain est vraiment lancé, année pendant laquelle Renault se fait connaître en Amérique du Nord grâce aux records du monde de "l'Étoile Filante".
Dès 1955, Pierre Dreyfus, le nouveau PDG de Renault, lance la course à la croissance. Le marché intérieur étant trop restreint, Renault doit s'internationaliser afin d'assurer son avenir.
L'exportation devient alors un des objectifs prioritaires de Renault et les États-Unis apparaissent comme le meilleur marché potentiel.
Renault souffre d'un déficit d'image sur ce nouveau marché, contrairement à Volkwagen qui avec sa coccinelle, était bien connue des GI's et surnommée par eux "Beetle" (scarabée).
Les chiffres de vente sont malgré tout élogieux puisqu'après 1 500 4CV en 1955, il se vend 3 670 Renault en 1956, ce chiffre se multipliant presque par dix en 1957 avec 33 000 exemplaires écoulés et en 1959, les trois navires Liberty Ships de Renault (des bateaux construits pour la 2nde guerre mondiale) exportent pas moins de 117 000 Dauphines et 4CV.
Au Salon de New York, les vendeurs Renault reçoivent en seulement quelques jours 13 000 commandes pour la Caravelle, cousine de notre Floride, un modèle coupé et cabriolet basé sur la Dauphine.
Pour assurer le transport de ses modèles, dès 1957, Renault fonde la Compagnie d'Affrètement et de Transport (CAT). Les bâtiments peuvent accueillir chacun près de 1200 voitures. En partance du Havre, ces navires rallient la Floride en 20 jours et la Californie en 35 jours.
La gamme américaine est ainsi ni plus ni moins que des modèles français et européens, sur lesquels Renault apporte quelques modifications mineures. Pour autant, les ventes sont là, preuve que les modèles plaisent.
L'aventure se termine pour Renault
A l'aube des années 60, alors que les affaires tournent bien, les restrictions de carburant consécutives à la crise de suez obligent les constructeurs américains à prendre conscience de la consommation.
Les constructeurs locaux (mais internationaux) que sont GM, Ford ou Chrysler réagissent rapidement et adaptent leur gamme et les habitudes de consommation se retrouvent chamboulées.
Renault tarde à réagir, et dès 1960, les stocks augmentent dangereusement dans le port du Havre. Sur place, Renault perd plus de 6 000 véhicules, jugés invendables après le passage d'un cyclone à Houston et d'un raz de marée à New York.
La récession que traverse le marché américain ne favorise en rien les affaires de Renault. Un jeune stagiaire de la Columbia Unniversity l'avait pressenti. Son nom: Bernard Hanon, futur président de Renault en 1981.
En 1962, les ventes de Renault chutent à 31 000 exemplaires. Renault y perd une somme colossale, mais heureusement, le développement du marché européen éponge quelque peu les dettes.
Une nouvelle fois, le manque d'implantation de Renault localement mènera cette seconde aventure à un échec. La marque tentera bien un troisième essai avec les fameux modèles Alliance (R5, R11,...). Mais là aussi, ce sera un échec.