Safrane Biturbo (1994)

En mars 1992, pour remplacer la R25 qui a été un beau succès sans avoir atteint les scores de la R16 longtemps avant elle, Renault dévoile la Safrane, une belle berline, assez classique et discrète, très inspirée des allemandes, avec un style influencé par la mode du bio design.

Élégante et bien proportionnée, pour sa Safrane, Renault a mis les petits plats dans les grands : nouvelle plate-forme, suspension arrière multibras, équipements haut de gamme, transmission intégrale Quadra (malheureusement un peu fragile et trop spécifique pour être réparée dans un centre auto tel que Roady par exemple) et belle finition, la Safrane a de quoi convaincre.

La Safrane, une berline sous-motorisée, mais heureusement Renault promet une version Biturbo

Malgré tout, à une époque où les performances et la noblesse de la mécanique participent à l’image d’une voiture, la Safrane souffre d’un défaut majeur face à ses concurrentes allemandes : elle ne dispose pas de mécaniques flatteuses et une fois encore, la Renault la plus haut de gamme est sous-motorisée. Pour le prestige, on repassera… D’autant plus que la Safrane est lourde… Une situation qui jure forcément avec la domination de Renault en Formule 1 à cette époque…

De l’aveu de tous, la Safrane est clairement sous-motorisée. Un reproche déjà adressé à la marque par le passé, et notamment chez Alpine avec les A310 et A610 qui expliquent d’ailleurs leurs échecs. La Safrane doit ainsi se contenter d’un bloc 2.0 essence de 107 ch, d’un 2.2 de 140 ch et de deux blocs Diesel de 90 et 115 ch. Risible pour un haut de gamme.

Certes, aux côtés de ces blocs Diesel et essence, la Safrane propose un bloc V6 (le fameux PRV conçu et développé avec Peugeot et Volvo qui équipe l’Alpine A610), mais sa puissance est de 170 ch. reste trop limitée pour en faire le vaisseau amiral tant convoité. Ainsi, bien conscient de la situation, dès sa présentation au Salon de l’Automobile, Renault annonce déjà une future version ultra-puissante, avec un V6 Biturbo.

BMW et Mercedes dans le viseur

La Safrane Biturbo incarne ainsi la volonté de Renault d’aller se frotter avec les plus grands constructeurs allemands comme BMW ou Mercedes. Hasard ou volonté affichée de se germaniser, c’est de l’autre côté du Rhin que la sage Safrane va se transformer. Elle fait ainsi un passage chez Irmsher pour sa garde-robe, et chez Hartge pour la préparation moteur.

La Renault Safrane biturbo reconnaissable à sa calandre spécifique

Pour transformer la sage berline en voiture “sportive”, il y a un peu de boulot. Renault aurait bien sûr pu s’en occuper, mais le constructeur ne dispose pas des chaînes pour faire un assemblage en petite quantité. La Safrane Biturbo se distingue ainsi par une calandre spécifique plus ouverte, un bouclier intégrant les anti-brouillards qui cachent deux échangeurs thermiques, des jantes 17’’ exclusives, double canules chromées d’échappement ainsi qu’un discret, mais élégant aileron arrière.

À l’intérieur, le luxe prime : boiseries en ronce de noyer, cuir, climatisation automatique bizone, chaine Hi-Fi CD, radiotéléphone, etc.

Sous le capot, c’est toujours le vieux 3.0 V6 PRV (2 963 cm³) qui est utilisé. Une fois passé chez le préparateur Hartge, il dispose désormais de deux turbos KKK avec un échangeur air/air afin d’extraire 260 ch. à 5 500 tr/min. Intéressant, mais pas exceptionnel non plus. En revanche, son couple de 37 mkg disponible entre 2 300 et 5 000 tr/min en fait une routière remarquable et non une sportive. Alors que la version V6 dispose d’une boite auto, la biturbo se contente d’une boîte manuelle, probablement du fait du couple du V6 doublement suralimenté, trop important pour la boite auto dont dispose Renault.

Une mise au point trop longue et surtout, un prix délirant pour la Safrane biturbo

Annoncée dès 1992, il faudra pourtant attendre presque deux ans (début 1994) pour qu’elle arrive sur les routes, car sa mise au point s’est avérée plus compliquée que prévue.

Plus typée confort que sportive, la Safrane Biturbo bénéficie d’un comportement routier et d’un confort impeccable grâce à ses 4 roues motrices ainsi que ses suspensions pilotées.

En revanche, en termes de performances pures, cette Safrane suralimentée déçoit. Si sa vitesse max. est bridée à 250 km/h, dans les faits, c’est plutôt un 240 qu’il faut viser.  Et du fait de son poids important de 1 675 kg, ses performances déçoivent avec un 1 000 m départ arrêté réalisé en 27,8 secondes. Pas fou !

Par contre, niveau consommation, en conduite raisonnable, cette Biturbo l’est tout autant avec 10.4 litres aux 100 km en moyenne tandis que sa consommation grimpe à près de 15 litres en ville.

Mais là où le bât blesse principalement, c’est du côté des tarifs. Cette dévotion de luxe, et surtout, les allers-retours entre la France et les préparateurs allemands, coûtent cher. Renault commercialise sa Safrane Biturbo en 1994 au prix de 389 000 Francs en version RXE et 426 000 Francs en Baccara soit 105 000 Francs de plus que la simple V6 à finition équivalente.

Et face à une BMW 540i 4.0 V8 plus puissante (286 ch.), moins chère (370 000 Francs)  et bénéficiant, notamment outre Rhin d’une réelle réputation ou une Mercedes classe E420 avec un moteur V8 de 280 ch commercialisée à 433 000 Francs, cette Safrane Biturbo ne fait clairement pas le poids.

Sans surprise, et malgré ses qualités, face à de telles concurrentes, la Safrane biturbo ne se vend pas. Pour le millésime 1996, la version RXE est supprimée, et seule la Baccara au prix de 435 000 Francs subsiste. Elle disparaît du catalogue lors du millésime 1997 après une augmentation de tarif à… 452 000 € avec à peine plus de 800 unités produites, ce qui en fait de nos jours un vrai collector en occasion.

Deux rares versions inédites

Déjà très rare, la Safrane biturbo a également existé sous la forme d’un unique Safety Car lors de l’ouverture du Grand Prix de Monaco 1994. Mais sa couleur bordeaux affublée d’horribles autocollants ne la mettent pas spécialement en valeur.

Le carrossier Heuliez va par ailleurs présenter un inédit break appelé “Long Cours” lors du Salon de l’Automobile 1994 à Paris. À l’intérieur, les passagers disposent d’un siège individuel et d’un large toit vitré panoramique pour admirer le ciel. Joliment dessinée malgré de tout petits feux arrière, elle ne connaîtra jamais de production en série.

Une fiabilité pas exempte de tout reproche, une version très rare en occasion

Si la Safrane est une voiture fiable, en revanche, la version biturbo s’avère être plus exigeante. Si le V6 PRV est un bloc très solide, du côté de la transmission intégrale Quadra ainsi que des suspensions pilotées, la donne n’est pas la même. Et faute d’une production suffisante, certaines pièces sont de nos jours introuvables.

Dès lors, pour les collectionneurs, difficile de trouver un modèle en occasion. Avec seulement 800 exemplaires produits, la côte risque de monter sérieusement dans quelques années.

Fiche Technique Safrane Biturbo

Moteur : V6 PRV biturbo (KKK)
Cylindrée : 2 963 cm³
Transmission : intégrale, boîte manuelle à 5 vitesses
Puissance : 268 ch. à 5 500 tr/min
Couple : 37 mkg

Performances :

Vitesse Max : 250 km/h
1000 m DA : 27,8 secondes
Consommation : 10,4 l / 100 km

Dimensions :

Longueur :
Largeur : 1.81 m
Hauteur : 1.40 m
Poids : 1 675 kg

Tarifs neufs : de 389 000 Francs à 433 000 Francs
Production : environ 806 unités (sur 310 000 Safrane produites)
Date de commercialisation : 1994 - 1996