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Le Car: la Renault 5 au pays de l'Oncle Sam

Veritable succès populaire en France et en Europe, la R5 s'est aussi exportée aux Etats-Unis dans les années 70. Mais contrairement à chez nous, sa diffusion restera très confidentielle la transformant ainsi en un modèle collector.
Par le 08/05/2024

Mais pour comprendre comment Renault a pu penser à vendre la R5 au pays de l’oncle Sam, il faut remonter quelques années en arrière. A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dès 1948, Pierre Lefaucheux, nouveau PDG de la Régie Renault, songe au marché américain afin de trouver des devises et ainsi, financer son programme industriel via un revendeur local. Malheureusement, ce dernier va se contenter de revendre les voitures, mais va totalement négliger la partie après-vente ce qui va vite nuire à la renommée de Renault.

Malgré cet échec, devant le succès de Volkswagen avec sa “Cox”, la Régie veut aussi avoir sa part du gâteau. Le constructeur décide alors de faire appel à sa filiale Renault Selling Branch que Louis Renault avait créé dès 1907. 

Le rêve américain vire au fiasco

Dès 1956, malgré l’accident mortel de Pierre Lefaucheux au volant de sa Frégate, le défi américain est lancé par le nouveau PDG Pierre Dreyfus.

Le marché américain est le plus grand, il fait clairement rêver et le nouveau PDG veut s’y implanter durablement. Mais au pays de l’oncle Sam, Renault est encore inconnu si ce n’est pas les pauvres clients qui ont passé commande d’une 4CV par le passé. La Régie Renault est bien décidée à se faire connaître. Elle lance ainsi un projet fou avec comme objectif d’obtenir un nouveau record de vitesse. C’est ainsi que les équipes de Renault vont créer l’Etoile Filante, un véhicule expérimental propulsé par un moteur d’avion sorte de clin d'oeil aux Caudon Renault , qui parviendra à son objectif en obtenant un record de vitesse sur le lac salé de Bonneville Salt Flats dans l'Utah en septembre 1956.

Fort de popularité obtenue par ce record, dès 1959, les exportations de Dauphine et de 4CV atteignent 117 000 unités, mais le marché va vite se retourner. Les deux modèles sont peu adaptés aux routes américaines et le SAV ne suit toujours clairement pas avec un manque de pièces détachées. Malgré un excellent démarrage, Renault va vite déchanter et tarder à réagir. Pire, la conjoncture va stopper les ambitions de Renault, et en 1962, les exportations dégringolent avec seulement 31 000 unités. Renault se retrouve avec un énorme stock sur les bras avec tous les problèmes que cela présente notamment en termes de trésorerie.

Grâce à AMC, le rêve de R5 américaine devient réalité

Renault n’abandonne cependant pas son rêve américain. En 1961, la Régie signe une lettre d'intention avec AMC, quatrième constructeur automobile du continent, issu de la fusion en 1954 de Nash Motors et Hudson Motor Car Compagny. 

Grâce à elle, Renault commercialisera en Europe la Rambler entre 1962 et 1967, cette grosse berline américaine qui fera un énorme flop faisant d’elle l’une des Renault les moins connues.

En 1970, AMC rachète la marque Jeep, mais rapidement, le constructeur se retrouve face à d’importantes difficultés financières, notamment après la crise pétrolière de 1973. L’heure n’est plus aux berlines énormes et gloutonnes mais AMC ne parvient pas à se renouveler.  Contraint de trouver un allié, Renault et AMC se rapprochent de nouveau en 1976.

Pour plaire au marché américain, quelques adaptations sont bien sûr réalisées sur la R5. La version américaine est bien plus équipée et plus luxueuse qu’en Europe. Extérieurement, on y ajoute des catadioptres latéraux et des pare-chocs plus proéminents pour pouvoir passer les normes locales plus sévères qu’en France, tandis que les phares sont enfoncés dans la calandre et arrondis. Pour l’intérieur, on reprend celui de la R5 TS, la version la plus cosy et la plus sportive d’alors, avec un équipement riche: condamnation des portes, montre, volant cuir, compte-tour, siège à dossier intégral ainsi qu’une plaque numérotée sur la planche de bord.

Malgré des ventes plutôt discrètes jusqu'alors, l'arrivée d'AMC et ses plus de 1 500 points de vente laissent imaginer un réel décollage pour la R5 américaine. AMC trouve en Renault un partenaire qui dispose d’une petite voiture économique, tandis que chez Renault, on trouve ainsi un vrai réseau de distribution avec un vrai SAV afin d’éviter de répéter les erreurs du passé. Et contrairement aux 4CV et Dauphine, la citadine française sera construite dans l’usine d’AMC. Les espoirs placés en la R5, renommée Le Car peu après sa commercialisation, sont ainsi importants.

Chez les américains, la R5 côtoie une autre citadine dans les concessions, la Pacer. Seulement, alors que cette dernière est motorisée par un gros moteur V8, la R5 se contente sous le capot du bloc Cléon, un (minuscule pour les américains) 1 289 cm3 issu de la R5 TS disposant d’un carburateur double corps Webber. Malheureusement, le constructeur est contraint de réduire sa puissance à 58ch. (au lieu de 24) pour pouvoir passer les normes anti-pollution locales.

D’abord proposée sous l'appellation R5, celle-ci change rapidement de nom pour devenir “Le Car by Renault” en fin d’année, une initiative poussée par les agences de communication et marketing. Un nom “franglais” pas spécialement très intelligible.

Malgré ces adaptations, cette Le Car reste un OVNI pour les américains. Trop peu puissante avec son petit moteur 1.3 bridé, cette R5 américaine présente de nombreux défauts pour le marché nord américain: simple traction, 3 portes seulement, pas de boite automatique et un look pas forcément en adéquation avec les attentes des américains sont autant d’obstacles à surmonter.

En revanche, son côté pratique (malgré ses trois portes) et pragmatique est mis en avant, sans oublier l’aspect très économique. Les ventes sont malgré tout timides avec moins de 7 000 unités la première année. Les américains pointent aussi du doigt sa tendance à la corrosion, et sa piètre qualité de fabrication... En outre, le réseau AMC ne pousse pas forcément sur ce nouveau modèle, qui préfère vendre (difficilement) ses Pacer V8.

Pour AMC mais aussi pour Renault, la désillusion est grande. Clairement, cette Le Car n’est pas la voiture qui va sauver la marque américaine et permettre à Renault d’enfin d’établir durablement aux États-Unis.

Devant les difficultés d’AMC, le 31 mars 1979, Renault prend 5% du capital du constructeur l’américain avant d’en devenir le principal actionnaire quelques mois plus tard. Le français voit ainsi les portes du marché américain grandes ouvertes, encore faut-il réussir à rétablir AMC et vendre sa R5 / Lecar. Par ailleurs, grâce à ce rachat, la Régie Renault vendra également des modèles Jeep, notamment le Cherokee en France et en Europe jusque dans les années 90.

La Le Car by Renault corrige ses principaux défauts mais trop tard

En 1980, la Le Car est retouchée, avec de nouveaux optiques à la forme carrée et un nouveau bouclier. Mais surtout, dès 1981, une variante 5 portes est enfin commercialisée. Les ventes repartent  à la hausse avec une pointe à 37 000 unités en 1982. Un score malgré tout très faible eu égard à l’énorme potentiel du marché américain.

Un nouveau moteur est également proposé dans certains états avec le 1,4 l à injection de la R5 TX. De nouveau bridé par la présence d'un pot catalytique, le moteur ne développe que 51 ch.


La Le Car dans les rues de Los Angeles

Si les ventes repartent un peu, c’est malheureusement un peu tard cependant, puisque la Le Car est désormais en fin de carrière. Deux ans plus tard, elle est d’ailleurs supprimée du catalogue, sans qu’une remplaçante ne soit nommée. En revanche, Renault importera la R9 sous l’appellation Alliance, et la R11 qui y deviendra l’Encore, ou encore la Medallion, notre R21. Sans plus de succès.

Faisant face à d'importantes difficultés financières, Renault sera contraint de revendre AMC à Chrysler en 1987, incluant la marque Jeep, et signant la fin de l'aventure américaine. Renault continuera cependant la commercialisation du Cherokee jusqu'en 1992.

Une série limitée Le Car de la R5 en France

Outre la Le Car américaine, une version spéciale de la R5, limitée à 14 000 exemplaires nommée Le Car sera également produite en Europe en 1978 en référence à la version américaine. Pour autant, bien qu'affublée d'autocollants et de jantes spécifiques, elle conservera le look de la R5 Made In France.


La R5 française en série limitée Le Car en 1978

La Renault 5 au Québec (1976-1986)

Si l'on parle souvent de la Le Car, il ne faut pas non plus oublier la R5 vendue au Canada. Surnommée "le chameau" du fait de sa consommation réduite, la R5 a été la Renault la plus populaire vendue dans le pays.

Principalement vendue en finition TL et GTL (ainsi que quelques versions Turbo II), la R5 est arrivée au Canada dès 1976. Au début des années 80, la R5 canadienne hérite du style américain et délaisse la calandre de la version européenne.  Dès 1983, seule la version 2 portes continue d'être proposée, avant d'être supprimée en 1986.

 

Crédits photos: Renault Communication - Droits réservés

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